
En route vers l'astre cuisant. Présentement au Missouri, demain, le Texas.
Le reportage de Dominic Arpin passera officieusement vendredi pendant le bulletin de nouvelle de 18h. Chanceux! vous pourrez le voir avant moi!
Sandra

Je suis camionneuse. Le camion, c’est mon bureau, les routes de l’Amérique, mon territoire. Je travaille avec des millions de collègues qui sillonnent ces couloirs, le jour, comme la nuit. Ma vie de tous les jours n’a rien d’ordinaire. Quand je me lève, je suis toujours ailleurs. Je me réveille dans une autre ville, un autre climat, un autre paysage. Mon bureau a une vue panoramique. Venez la contempler avec moi!
En attendant, le voici racontant ses sueurs froides... J'ai roulé sur la caméra!
Vous auriez dû le voir courir comme une arraignée au sol pour voir si la caméra résiterai au passage de mon mastodonte...
Ça sent la fumée. Depuis des heures, les saucisses, le boeuf et le porc se font boucaner sur les grilles. Par chance, il ne fait pas trop chaud aujourd’hui et on peut s’approcher de la braise pour voir le maître du boucanage à l’oeuvre. Le four est fabriqué sur mesure ici au Texas. Celui-ci est monté sur une remorque que l’on peut atteler à un camion pour tout genre de réception. Il y a deux compartiments cylindriques et une boîte carrée qui sert à faire la fumée. On y fait brûler une essence de bois, du Hickory ou du mesquite en général. On ferme le couvercle et la fumée se fraye un chemin en volute jusqu’à la cheminée, en passant par les grilles, où braisent les viandes qui grésillent. Leur gras fond doucement et flambe. Au comptoir, on commande son repas à la livre. Je prends une de «brisket» (Choubinette, c’est quoi en français brisket? Poitrine de boeuf?), sans trop réfléchir à la quantité et aussi quatre côtes levées. Le cowboy rougit par le feu, m’enveloppe la viande dans du papier de boucher pour respecter la coutume. Car ce sont eux, les bouchers, qui sont à l’origine de cette pratique : à la fin de la journée, ils mettaient leurs restes de viande à boucaner pendant plus d’une nuit pour mieux la conserver. L’odeur attirait tous les passants et un rituel s’est développé. Encore aujourd'hui on trouve des bouchers qui perpétuent la tradition. Toutefois, au Texas, il y a deux écoles de pensée pour la fumaison: celle qui préfère le produit brut, soit la viande nue, fumée sans rien pour l’assaisonner et l’autre, celle des sauces et épices secrètes. La philosophie de Scooter D’s s’inscrit entre les deux : ses côtes levées sont laquées et ses « brisket» sont cuites nature.
Le soleil réchauffe les couleurs et le rouge de la roulotte paraît encore plus vif. Tandis qu’il prépare son coucher, nous nous apprêtons à goûter le Texas. Sur une table à pique-nique, je m’assois face au soleil couchant pour le voir descendre dans les champs. Le paquet est déroulé au centre de la nappe de plastique et nos doigts nous servent de fourchettes. Je prends une côte levée que je porte à ma bouche. Fondante et savamment braisée, la chair rosée ne se fait pas prier pour se détacher de l’os. Je décèle une subtile saveur sucrée qui a su rendre la viande à son meilleur. C’est très gras, mais pour cette fois ça ira, je n’aurai qu’à rouler un peu plus... Les tranches de boeuf bien cuites sont d’une tendreté incomparable. Le goût fumé est très présent, cependant j’avoue que c’est un peu fade sans assaisonnement. Je retourne voir le cowboy pour demander de la sauce BBQ. Il me regarde d’un drôle d’air sous son chapeau. J’ajuste la saveur à mon palais et tout devient parfait.
Mais une livre (454 grammes)... c’est beaucoup trop! Il en reste, vous en voulez un peu? Je vous laisse, il faut que j’aille me laver les mains, j’ai comme l’impression qu’elles ont été fumées!