28 juin 2006

Montréal

Nous sommes toujours à Montréal.
J'aime toujours autant ma ville où il y a tant d'action. Nous comptons repartir pour quelques jours sur la route avant de prendre de vraies vacances d'un mois en juillet. Mais depuis deux jours déjà, nous attendons un voyage pour partir. Toujours rien. La fin de semaine du 1er juillet est la pire de toute l'année pour rouler, puisqu'elle est couplée au 4 juillet américain. Les gros manufacturiers de voitures ferment leurs usines pour une semaine quand la demande baisse. Ça nous arrange un peu, on en profite. Qui veux aller travailler par un temps aussi radieux? Le blogue ralentira quelque peu tout autant que nous. J'ai besoin de me ressourcer, de me replonger dans des romans, de vivre d'autres histoires. J'espère vous revenir fraiche et disposée en août pour de nouvelles aventures.

À très bientôt.

p.s.: Je vous enverrai des cartes postales.
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24 juin 2006

Bonne St-Jean à tous les Québécois!

Il fait beau pour notre fête nationale, alors autant en profiter. Voici de quoi vous bidonner, j'ai moi-même croulé de rire par son originalité. C'est en fait une bd photo. Cette semaine, elle parle justement de la St-Jean.

http://www.unevieenmusique.com/?p=80

Pour le p'tit gars en vous


Ma description sur le gros camion que mon « Petit rouge » a rencontré en a fait baver plusieurs. Voici des photos semblables du camion dont il était question. Comme je n'ai pas eu le temps de le prendre en photo, j'ai piqué ça sur le web dans Google-image en tapant "very big truck". Vous trouverez de quoi vous amuser là. Posted by Picasa

21 juin 2006

Touché par un coup de foudre

C'est n'est qu'aujourd'hui que je publie ce que j'ai écrit le jour de notre départ il y a déjà 7 jours. Le texte en avait assez de mariner, qu'il m'a dit! Jette-moi sur le net! Alors, j'obéis...

Quant à nous, nous roulons pour rentrer au pays. Nous avons touché Laredo comme prévu, fait une petite brassée de lavage chez Wishy washy -- c'est comme ça que ce nomme la buanderie, je n'y peux rien! -- pour sentir le propre et vite on nous a assigné une autre remorque pour rentrer. Demain, livraison à Cambridge en Ontario, ensuite on ramasse des capsules de bouteille de bière chez Labatt pour les livrer à LaSalle sur l'île de Montréal. Ce n'est que demain soir qu'on pourra se décapsuler une «Pt' ite frette » Tscchh! en pliant le «cap» qu'on aura nous-mêmes transporté. Glou glou glou! Aaaahh! (fausse idée désaltérante si réconfortante à Balconville).

Vendredi matin, on compte bien aller à la Place-des-arts pour saluer l'équipe d'Indicatif présent --nos potes de routes--, pour une dernière fois.

Après 13 200 kilomètres, vous comprendrez que je n'ai pas eu le temps d'éponger le déluge dans ma boîte de courriel, ni de répondre à tous les commentaires. Je commencerai à écoper très bientôt promis!

Voici donc dans le désordre notre première journée :


C'est avec le ventre du camion bien rempli que nous quittons le terminal. On lui a bourré la panse avec des pneus bons pour la casse. À Joliette, nous livrons dans une cimenterie dont les cylindres de béton sont visibles dans toute la ville. Sur place, le terrain est parsemé d'embûches : le camion doit se frayer un chemin entre les silos et sous les convoyeurs de roches qui descendent en angle, souvent trop bas po
ur y passer avec nos 13 pieds 6 pouces (4.1m) de hauteur. La sécurité dépêche un pick-up pour nous guider jusqu'au cimetière de pneus. J'aperçois d'énormes montagnes noires. Dans la boue, je stationne la remorque qui restera sur les lieux jusqu'à ce qu'on la vide. C'est là que les pneus usés reprendront vie comme des zombies. On les transformera en immenses tapis pour protéger les environs pendant les explosions qui concassent le roc.

Délestés de notre boîte, nous suivons l'accompagnateur jusqu'à la sortie. Mais soudain, dans la nuée du pick-up, j'ai senti mon camion touché par un coup de foudre. Il s'est arrêté net. Il a rougi d'envie quand il a aperçu un camion plus gros que lui! Un colosse gigantesque, tonitruant, fort, sale et méchant, avec de monstrueux crampons pour jouer dans la boue, rugissant de force sous le poids de sa démesure. Mon beau rougeaud bavait d'excitation devant son frère d'huile viril qui avançait en tanguant dans les saillies de terre et les trous géants, comme si c'était une grande mer pleines de moutons.

— Mais qu'est-ce qui te prend? Lui ai-je demandé? T'es née pour la grand-route et c'est tout à ton honneur! Tu n'imagines pas ce que ce camion endure toute la journée pour bouillonner d'envie comme ça! Il bosse avec des cailloux qui casseraient ta carrosserie de fibre de verre, il trime avec des poids qui te feraient courber les pneus. Le costaud que tu vois, il travaille comme un forçat, il supporte le froid pendant 6 mois, il est maltraité à coup de roc. Ce n'est pas parce que tu fais de la grand-route que t'es un gringalet pour autant! T'es un athlète de la distance comme un marathonien. Qu'est-ce que tu crois? Qu'il ne t'envie pas lui aussi? Il n'a rien vu d'autre que le ventre de l'usine qui l'a vu naître et la cour dans laquelle il s’affaire. Et toi? Mais t'as fait le tour de l'Amérique plus d'une fois! T'as coudoyé le Pacifique et l'Atlantique, les montagnes et les plaines, les cactus et les palmiers, les tornades et les tempêtes. T'as visité des coins perdus, des routes inconnues. Allez! Arrête de te pâmer devant le gaillard! T'as du chemin à abattre!

J'ai rasséréné son moteur mugissant, mais je sais qu'il aurait donné cher pour jouer dans la même boue tous les jours pour rentrer à son terminal chaque soir et profiter de la saison estivale.

Dépité, il s'est rendu chez Firestone où on lui a accroché une toute nouvelle remorque remplie de pneus neufs.

En route pour la Louisiane que je lui ai hurlé en fouettant ses 450 chevaux-vapeur! YA YA!
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19 juin 2006

Le ciel de la honte


Atterrante journée d'été. Je vois Toronto sous son vrai jour, ces édifices de béton et de verre si jolis la nuit sont tristes et ternes dans ce cadre pollué. Les milliards de feuilles vertes n'arrivent pas à égayer le paysage. Le ciel est couvert d'un voile de honte. Il fait trop chaud pour être bien dehors. L'air est vicié et chaque fois que je respire, je m'empoisonne un peu plus. Mes poumons se serrent et silent. Les nantis, du haut de leur penthouse, ne sont plus à l'abri, ils ont une vue privilégiée sur le ciel trouble reflétant notre capitalisme outrancier, leur jetant l'opprobre en plein visage. Et dire que moi, dans mon gros camion, j'ai livré des pneus pour les H3 en Louisiane! Je me jette la première pierre, une parcelle de ce ciel de honte m'appartient aussi. Honte aux acheteurs de Hummer! Honte aux conducteurs de 4x4 citadins! Le déshonneur nous couvre tous aujourd'hui, il est là, planant sur nos têtes. Tous les gestes comptent, quoi qu'en disent les cyniques. Vous saviez que l'être humain a du mouton dans l'âme? Il finit toujours par imiter son voisin. Soyez le voisin modèle à imiter, celui qui a la plus petite voiture ou qui n'en a pas, celui qui prend le transport en commun, celui qui fait ces courses à vélo, celui qui... je vous laisse imaginer. Respirez une grande bouffée de notre air vicié en pensant à tout ça. Et qu'une bonne crise d'asthme réveille les géants pollueurs, Rona Ambrose et Stephen Harper. J'espère toutefois qu'ils n'attendront pas de rire comme Charlemagne avant d'agir en gouvernement responsable et visionnaire!

J'ai écrit ce texte sur la 401, qui, samedi et dimanche, en était à son premier avertissement de smog de la saison. Le corridor Montréal-Windsor est le plus densément peuplé au Canada et est de plus en plus souvent recouvert d'une épaisse fumée grise causée par les activités « inhumaines ». Maintenant, nous faisons une petite escale à Memphis le temps d'un ravitaillement. Memphis est plutôt gris aujourd'hui, et je mets le poste 13 sur Sirius pour réjouir l'habitacle de la voix d'Elvis toujours vivant selon eux (Elvis lives here on Sirius 13!) . Demain, nous toucherons Laredo.

17 juin 2006

Des feux sans artifice.

Je file au sud en Illinois sur la 57, l'autoroute est presque déserte. Le soleil s'abandonne à l'horizon et dans la pénombre les arbres deviennent des ombres. Je pénètre un couloir de feuillus qui se voûtent sur la route, et au sortir de cette allée enchantée, le ciel a enfilé son pyjama étoilé. Une myriade de lucioles se réveillent et scintillent comme si c'était jour de fête. Elles transforment la plaine en champ de Noël. Elles virevoltent entonnant l'hymne des cieux et l'écho des montagnes redit le chant glorieux... Elles font des farandoles luminescentes, comme une symphonie flamboyante. Un maestro de la lumière vient s'éteindre dans mon pare-brise, laissant une tache phosphorescente verte et vive, qui prend quelques minutes à s’évanouir. J'assiste aux feux sans artifice, sans gaz à effet de serre ni fumée infecte à respirer quand il s'éteint. Les lucioles me font la leçon : pas besoin d'explosion pour faire briller le ciel. Je me surprends à rêver que du bout de mon doigt je deviens leur Maestro que je présente ce spectacle vert du haut du pont Jacques Cartier et tout en bas, il y a des Ho! et des Ah!. Et pourquoi pas les internationaux des concerts de lumière de lucioles? Aujourd'hui, les belles lumineuses d'Italie, la semaine prochaine, les radieuses du Chili, invitons aussi les Lampyres du Brésil, regardons les rayonnantes du Canada, applaudissons les flamboyantes du Costa Rica... Une féerie de lucioles à la Ronde sans enfumer les étoiles! Suis-je illuminée? Plutôt enchantée par la féerie les mouches à feu.

16 juin 2006

Les anges de l'angle mort


Samuel était super content. Son papa lui avait permis d'emmener son meilleur ami. À 5 ans, Thomas avait eu la permission de sortir une journée avec son copain pour la première fois. Le regard complice, sur la banquette arrière, ils jouaient à des jeux qu'eux seuls comprenaient. Les rires en cascade fusaient à chaque toucher des mains. Marianne, la grande soeur de Samuel, jouait seule avec sa poupée joufflue reçue deux jours plus tôt pour son septième anniversaire. Elle lui peignait les cheveux en pensant au plaisir qu'elle avait lorsque sa maman brossait les siens avant d'aller au lit. Ils revenaient tranquillement du cinéma en roulant sur l'autoroute 40 Ouest. Le papa circulait au même rythme que le trafic dans la voie du centre.

Roger passait par là, sur la seule autoroute qui traverse Montréal. Il venait de faire charger ses deux remorques, attelées en train, de poutrelles d'acier. Il roulait avec le chargement le plus lourd permis au Québec soit plus de 145 000 livres. Il avait connu une superbe journée. Il avait pu attacher son chargement en sifflotant, appréciant le soleil de midi, lui qui se souvenait encore du terrible hiver à faire casser les doigts sur les chaînes gelées. Il roulait prudemment sur la 40 en direction ouest. Il avait mis sa cassette de Willie Nelson, celle qui a le pouvoir de faire traverser une grande ville bondée comme si c'était une rivière fluide. On the road again.... Seiing places that I've never seen before, I can't wait to be on the road again.

Le trafic était dense comme d'habitude, mais la circulation n'en souffrait pas trop. Il pouvait rouler presque à pleine vitesse soit 60 km/heure. La petite berline grise se trouvait devant lui à bonne distance. Au loin, la fourche en « y » séparant la 15 Sud et la 40 Ouest. Dans la voie du centre, on peut prendre les deux directions. Le papa de Samuel et de Marianne a commencé à s’avancer vers le sud, puis très vite, il s'est aperçu qu'il faisait fausse route. Roger avait commencé à s'engager vers l'ouest quand il a vu la petite berline hésiter. Le papa a rapidement bifurqué vers la 40 Ouest sans faire son angle mort.

Le coeur de Roger a bondi aussi vite que son pied sur le frein. Il a crié comme si cela pouvait l'aider à freiner 145 000 livres sur un mètre.

— Nooonnnnnnnn!

Il a frappé une fois la berline. Comme dans un film au ralenti, il a vu la tête des enfants ballotter. La voiture a percuté le parapet et a rebondi plusieurs fois entre son pare-chocs d'acier et le muret de ciment. Roger a entendu les vitres se fracasser, la carrosserie gricher, la ferraille se broyer, les freins crisser. Il est monté debout impuissant sur ses freins comme pour leur donner plus de puissance. Il sentait la voiture se meurtrir sous son tracteur. Le mastodonte l'a traîné sur plusieurs mètres. Ses freins fumants sentaient le brûlé. Tout s'est arrêté. Le silence a silé. Roger est sorti de sa torpeur en tremblant. Le cauchemar n'a pas pris fin. Trois poutrelles d'acier avaient transpercé sa cabine à deux doigts de lui perforer le corps. La voiture n'était plus. La tête des enfants ne dodelinait plus. Trois anges sont nés dans l'angle mort, escortés par un papa trop jeune pour monter au Ciel.

Un ambulancier est venu chercher Roger tressaillant. Un policier a pris les témoignages des passants avant de rencontrer Roger. Il a pris la peine de le réconforter le chauffeur de camion et de lui dire qu'il n'avait rien à se reprocher, qu'il n'aurait rien pu faire d'autre. Cela ne l'a pas empêché de suivre une thérapie de deux ans avant de reprendre la route.

Je l'ai rencontré dans un Tim Horton sur la 401, il y a déjà quelques années, alors qu'il reprenait le chemin après son traumatisme. Il nous a raconté son histoire les yeux mouillés. Maintenant, L'odeur des freins grillés a l'odeur de la mort. Les chansons de Willie Nelson font secouer les têtes des enfants et les projettent sous son tracteur.

Depuis que je l'ai entendue, je n'ai plus jamais été la même au volant. J'ai réalisé à cet instant que je manoeuvrais une arme et que les automobilistes sont souvent inconscients du danger.

S'il vous plaît, quand vous partirez en vacances, faites vos angles morts, et laissez-nous de la place pour freiner, c'est vital!

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13 juin 2006

Toujours à Montréal

Patience!

Nous sommes toujours à Montréal, pas encore de matière de camionnage à vous raconter.
Mais en attendant, voici une photo d’un personnage de ma ville.Vous le connaissez? Vous aurez peut-être la chance de le voir à l'oeuvre dans un festival pour animer la foule. Il se produit dans la rue, l'an dernier je l'ai capté au fes
tival juste pour rire. Il est vraiment très bien comme animateur, il fait danser son bonhomme de bois au son du violoneux. Son petit théâtre tout simple réussit à nous faire sourire. Ça fait très traditionnel. Si vous le voyez, vous lui direz que son spectacle de rue « pognerait au boutte» en France. Une dégustation de sirop d'érable avec ça?



Jeudi soir, grand départ pour Shreveport en Louisiane. Ne vous attendez pas trop à ce que je vous raconte les bayous, puisque c'est situé au nord-est de la botte louisianaise tout près du Texas. (cet État a la forme d'une botte, vous aviez remarqué?)

À bientôt et merci pour tous vos souhaits de fête, je n’en ai jamais reçu autant! Wow!


Sandra
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11 juin 2006

Aux Fleuristes

Aujourd’hui c’est ma fête!

Mais comme j’ai reçu assez de fleurs cette année pour me remplir l’intérieur, à mon tour d’en distribuer comme un Hobbit le jour de son anniversaire :

Fou de Bassan, merci d’avoir été le premier à survoler ce journal de bord. Pendant que je regardais les « 0 » à mes commentaires, tu as d’un clic été le premier à y déposer le tien. Grâce au souffle de ton battement d’ailes, jamais je ne me suis découragée.

André, tu répands les fleurs pour égayer mes journées. Très fidèle, je ne t’en remercierai jamais assez.

Jean, je t’ai prise à bord alors que tu souffrais, laisse-toi porter par le roulis du camion, puisses-tu recouvrer le bonheur. Tes précieux conseils sont très bons pour mon moral, j’espère que ma présence sur ton écran est bonne pour le tien.

Choubine, qui était là aussi dès les premiers mois, toujours une réponse à mes questions de langues, mais si discrète, qu’elle ne souligne jamais mes fautes d’orthographe!

Celle qui va et son point de vue nordique,

Mijo pour sa vision gastronomique,

Marie-France Bazzo, et avec qui j’ai passé de très instructives matinées depuis 6 ans. Son émission fut (c’est presque la fin snif!) une grande source d’inspiration et une motivation à me cultiver davantage. Sans elle, vous ne seriez sûrement pas en train de lire ce texte.

Dominic Arpin, grâce à qui j’aurai un reportage en action à montrer à mes descendants. (mémé conduisait un camion... voyez les petits... ben oui! C’est votre mémé, elle était camionneuse!)

Et vous tous, qui avez inscrit un petit message, Grâce à vous je ne suis jamais seule dans ce métier si solitaire.


C’est vous qui me transportez!



Champagne!

p.s. : il y a un ralentissements monstre dans l’industrie de l’exportation, je ne peux pas écrire si je ne roule pas! Il faudra patienter comme moi pour un autre voyage. Surtout que c’est ma fête alors je prends un petit congé ;c) À très bientôt

Sandra
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06 juin 2006

Vaisseau spatial à vendre


Des Martiens se sont installés au Texas
et ils ont mis leur vaisseau en vente.

Avis aux intéressés,

ça pourrait être très utile lorsque viendra le temps de déménager de planète quand on ont aura tiré tout le jus de la nôtre...



Ils sont très «marketing» ces Martiens, ils ont même un site internet...
http://www.starshippegasus.com/





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Les douanes à Détroit.

Je n'ai pas réussi à publier cette photo pour le dernier texte. La voici. Posted by Picasa

03 juin 2006

Une longue Traversée.


Windsor, Ontario - Detroit Michigan.

2 h 10 minutes. Richard me tire de mon sommeil paradoxal avec le plafonnier. Il s’arrête à la boutique sans taxes de Windsor le temps que je m’habille et que j’aille aux toilettes pendant qu’il ramasse un café. C’est la seule chose de gratis ici, autant en profiter! D’ailleurs, je renommerai cette boutique hors taxes « boutique hors de prix ». Ils enlèvent les taxes, mais ils gonflent les prix. Le chocolat noir à 85 % est à 5 $, alors que je l’obtiens à 3 $, parfois même 2 $ quand il est en rabais en ville. Je repasse dans la rangée des alcools forts et des chocolats qui se disent fins incluant les M & M. Mais je ne peux m’empêcher de bifurquer vers les parfums pour aller me remplir le nez d’une fragrance inconnue. Un nouveau Kenzo est sur les rayons et il m’appelle de ses vapeurs. Je plonge mes narines endormies dans la délicate bruine odoriférante pour mieux me réveiller. — ça pue! Trop artificiel, sans subtilité, trop poudré, trop, trop. À cette heure, je manque de vocabulaire pour dire que l’odeur ne me plaît pas. De toute façon, je préfère acheter aux petits postes frontaliers qui ne sont pas au courant qu’on vend le 75ml de Kenzo chez Ogilvy à Montréal à 230 $. J’ai eu les 200ml pour 37 $ à Alexandria Bay dans l’État de New York. (Imaginez comment je me sens toutes les fois que je me parfume : je me « pouitch-pouitche » des économies!)

Ça me fait du bien parfois de me retrouver dans un magasin où l’on vend autre chose que de l’huile à moteur et des morceaux de chrome pour soi disant embellir un camion parmi les bonshommes qui ont juste hâte que je me penche sur un produit pour me reluquer le derrière au grand amusement et désespoir de Richard.

Trêve de frivolités de luxe, on remonte dans notre « chalet roulant » sans rien avoir acheté de tous ces faux bonheurs en bouteille trop chers pour ce qu’ils valent.

Richard embraye sur le pont qui sépare les deux pays. Dans la rivière Détroit, les deux villes illuminées apparaissent comme des feux d’artifice. La cime des gratte-ciel de la capitale de l’automobile est autant brouillée par le smog que l’est son reflet dans l’eau. Comme un présage de déclin, le logo de General Motors, trônant au pinacle de l’édifice dominant la ville, est voilé par la pollution causée en grande partie par ses succès passés. Le phare de Windsor tourbillonne dans le ciel comme un cerf-volant fantôme. La plus gros poste d’entrée aux États-Unis fourmille de camions. À 2 h 20 minutes, des douze guérites pour voitures, seulement deux sont ouvertes, mais vides. Alors que du côté commercial, huit guérites sur quatorze sont ouvertes, mais la queue très longue. La file s’immobilise, les camions attendent, les feux des freins s’allument et s’éteignent en intermittence. Le nom en rouge du pont Ambassador trône au sommet d’une de ses deux pointes illuminées. Un mur de cinq mètres de haut entoure le poste frontalier et des gros spots halogènes éclairent le territoire gardé comme à la tombée du jour. Les camions jouent du volant pour s’insérer dans la file qui sera la moins longue. Lorsque la ligne est choisie, il n’y a plus moyen de changer, la remorque est trop volumineuse pour faire des coups vites comme en voiture. Nous sommes tous en compétition et c’est à savoir qui sortira de là le premier. Richard jette son dévolu sur la noria la plus courte. Les tempes nous bouillonnent et les mâchoires nous serrent quand on remarque les camions nous dépasser de chaque côté. Les autres files sont cinq fois plus rapides! Nous restons plus de 20 minutes immobiles avant de rencontrer l’agent dans sa guérite. Malgré ses cheveux gris, sa surcharge au niveau ventral, et son deuxième menton pendouillant sous l’effet de la gravité, c’est un apprenti. Il n’a rien à voir avec un jeune nouveau tout droit sorti d’un entraînement physique intense, bâti de muscle et d’acier, le torse bombé comme un coq. Deux autres inspecteurs des douanes le côtoient pour l’aider dans son nouveau boulot. Il pitonne au doigt sur son clavier et pose des questions nerveusement. Il est vraiment nul, mais nous sourions pour qu’il ne s’aperçoive pas trop de ce qu’on pense. La douanière derrière lui lève souvent les yeux au ciel par découragement. On se dit : — on a été gentil, ça va bien passer... On reste 10 minutes immobiles devant lui, le temps qu’il comprenne tout ce qu’il fait avec ses touches. Notre sourire crispé, artificiel et complaisant ne lui a pas plu... il nous envoie aux rayons X. En serrant les dents, nous continuons à sourire tout en nous répétant qu’il est con sans remuer les lèvres. Là nous attend une autre file. Dans le nouveau garage où l’on ausculte les camions à coup de radiation, nous passons un à un comme au lave-auto. (Au texte « armer nos douaniers? », la photo représente le camion qui ausculte aux rayons X. On lui a désormais construit un garage.). J’ai toujours eu peur de ces rayons, mais la douanière qui se tient juste à côté du sigle international jaune et noir de la radioactivité n’a apparemment aucune crainte. Mais allez donc savoir si elle ne périra pas d’un cancer causé par son exposition prolongée... Elle reçoit le signal dans sa radio que les rayons débuteront dans cinq secondes, le bras levé je lis sur ses lèvres le décompte five, four,... elle descend sont bras comme dans une course de voiture, three, two, one, le rayonnement s’amorce, un bip aigu en témoigne. Richard avance lentement jusqu’au bout du hangar. Heureusement, ils lancent les rayons seulement à partir de la couchette nous évitant l’exposition. Quelques secondes plus tard, nous sommes relâchés comme des criminels acquittés, fins prêts à poursuivre notre « road trip » qui n’est pas toujours des plus trippants. Il est 3 h 30 minutes. Je ferme les rideaux derrière les sièges et je me rallonge sur la couchette, les rêves sont longs à venir. 7 h 30 minutes, Richard, qui est allongé à côté de moi, me pousse — allez! Va gagner notre vie! Me dit-il tout endormi en regardant sa montre. Lui qui nous l’a gagnée jusqu’à 4 h 30 min. Mais la vie est dure à gagner quand on manque de sommeil! Un petit café et Hop! Nous voilà repartis!

02 juin 2006

Leçon de conduite no 2 : n’écoutez pas la police, c’est dangeureux.

(la première leçon se trouve dans les archives)

Je roule en file comme une fourmi qui poursuit son chemin vers un bout de pain. Les phares pullulent en cette première soirée de route. J’occupe une toute petite place dans une des 16 voies de la 401 à Toronto. La ville reine n’a plus de défaut sous ce dôme céleste bleu nuit; il n’y a que son trafic intense dont je suis attentivement la cadence. Ses édifices s’éclairent chaotiquement et illuminent l’agglomération en effervescence. Un avion passe et des gratteurs de ciel lui touchent le ventre. Quand soudain, à un kilomètre devant moi, une voiture de police actionne ses gyrophares. Elle en a contre un petit camion de déménagement U-Haul traînant une automobile : il lui manque un feu arrière. Le chauffeur ne voit rien de ce qui survient derrière, parce qu’il est obnubilé par l’avant ou peut-être bien par les majestueux gratte-ciel. La voiture de police roule à sa gauche jusqu’à sa hauteur pour lui dire de se ranger. C’est la panique à bord. Le cube de déménagement freine, alors que le trafic dense le suit de près. Il cherche désespérément un endroit pour s’arrêter. Il n’y a pas d’accotement à moins de quatre voies. Le policier reste dans la sienne tandis que le petit camion innocent se gare au dépourvu dans le minuscule triangle séparant la bretelle d’accès et l’autoroute rapide, son équipement dépasse les lignes et soudainement, tous les feux de freinage deviennent rouges. Subitement, le trafic s’arrête sur trois voies, les freins crissent mettant la vie de tous en danger avec moi derrière dans ma bombe, prête à rentrer dans le tas de ferraille. Bien heureusement, j’étais déjà au ralenti. L’agent de police vient se stationner devant l’innocent déménageur du dimanche, tandis que je reprends ma vitesse.

Mais vous qu’auriez vous fait à la place du conducteur-déménageur?

Voici ma petite leçon de conduite no 2 (j’en ai déjà fait une première au mois de janvier, je crois).

1. Sur l’autoroute, quand le policier vous dit de vous ranger, ne l’écoutez pas!

2. Actionnez vos feux d’urgence pour lui signifier que vous l’avez vu. Contrairement aux idées reçues, il n’est pas là pour vous protéger, mais pour vous arrêter. Relaxez, c’est vous qui avez le contrôle, non pas la police qui panique à l’idée que vous fuyez.

3. Ralentissez à la vitesse permise si vous l’excédiez, mais ne freinez jamais à moins de 80 km dans une zone de 100 km.

4. Cherchez un endroit sécuritaire : l’accotement n’en est pas un. Rendez-vous à la sortie la plus près et trouvez un stationnement où vous pourrez descendre sans crainte de vous faire happer. Le policier, s’il a un brin de jugeote, vous en sera reconnaissant parce que vous le protégez aussi.

5. Souriez à monsieur l’agent, et dites-lui que c’était un conseil de votre amie la camionneuse, pououout! pououout!

6. Ne louez jamais un camion U-Haul, ils sont tous bons pour la casse, Richard et moi on s’amuse à les compter pendant la saison de déménagement. Notre record : huit en une journée.

7.Bonne route!