Je suis camionneuse. Le camion, c’est mon bureau, les routes de l’Amérique, mon territoire. Je travaille avec des millions de collègues qui sillonnent ces couloirs, le jour, comme la nuit. Ma vie de tous les jours n’a rien d’ordinaire. Quand je me lève, je suis toujours ailleurs. Je me réveille dans une autre ville, un autre climat, un autre paysage. Mon bureau a une vue panoramique. Venez la contempler avec moi!
25 mars 2009
À vendre,
Pas le coucher de soleil, car comme le dit Richard Desjardins :
« On vend pas l'paradis terrestre
C’est au Bon Dieu c'qui en reste
As-tu d'besoin d'un cinq étoiles
Quand t'en as cinq-milliards dans l'ciel »
Mais je vends tout mon équipement Sirius "pour rouler sans rater une seconde de la radio", car depuis un certain temps, je me rends compte que je ne m'en sers plus autant, parce que j'écoute plus d’émissions baladodiffusées sans contrainte d’horaire et aussi pas mal de musique. La radio Sirius est vraiment un produit génial pour les camionneurs, car c'est l'unique solution pour écouter des émissions de radio en français (radio-canada) où que vous soyez en Amérique. Vous avez accessoirement 120 postes de musique et de talk radio en anglais, et quelques postes en français pour la musique. (consultez leur site, sirius.ca)
C’est le modèle « sportster » (il ressemble pas mal à celui là, ainsi que la boombox), qui garde en mémoire les 45 dernières minutes (donc, vous pouvez revenir en arrière pour réentendre une entrevue ou une chanson, c’est vraiment très pratique), avec la « boombox » (qui vous permet de transporter votre radio partout), la télécommande, ainsi que l'antenne (sur la photo) et l’adaptateur pour la route, munis de toute la quincaillerie pour les fixer sur tous les types de camion.
Le tout pour 160 $ (valeur à neuf de 390 $).
Si vous êtes intéressés, contactez-moi par courriel : sandra_doyon sur yahoo.ca
Il ne vous restera plus qu'à vous abonner, pour 15$ par mois ou moins.
P.-S. Mon genou est un vieillard qui marche en boitant, mais il est toujours vivant et veux vivre comme jamais. La douleur disparait peu à peu et je pourrai faire du vélo cette semaine, selon les recommandations de ma physiothérapeute, qui me manipule à merveille!
17 mars 2009
Croutches!
Yuma Arizona. Jeudi 5 mars 2009
— « Croutche! ».
La salade crie « croutche » quand je lui plante mon thermomètre dans le cœur. Pour les 55 prochaines heures, on prendra soin que vos icebergs ni ne gèlent, ni ne flétrissent. Vos laitues couleur de glacier seront maintenues entre 34 et 38 degrés. Je lis 37 degrés sur le thermomètre, c’est parfait, vous les aimerez et elles « croutcheront » bien sous vos dents, mais si j’étais vous, j’enlèverais les premières feuilles : c’est un voyage en vrac et elles ne sont pas protégées individuellement sauf dans une méga boite de carton.
— « Croutche! »
a hurlé mon genou, quand j’ai atterri les deux pieds sur le sol, en descendant de la remorque. Le gauche a flanché. Tout ça pour des icebergs! Moi qui n’en achète jamais. Ça n’a pas fait mal tout de suite, mais quand j’ai essayé de marcher, je me suis effondrée et j’ai pleuré. J’avais 53 pieds à marcher jusqu’à la cabine et j’étais incapable, trop douloureux. Un chauffeur a beuglé et frappé sur le camion pour réveiller Richard en catastrophe. Quand mon coéquipier de vie a repris ses esprits, il a bien évalué le niveau d’urgence en me questionnant: ma douleur irradiait, mais je savais que je n’en mourrais pas car je ne suis pas un homme! ;c) Comme il n’y avait pas de place de stationnement au truckstop de Yuma et qu’on ne pouvait le mettre nulle part, ce gros camion, Richard a tenté le coup pour l’hôpital. Muni de son super GPS, il a repéré l’hôpital le plus près. (C’est promis je ne le ridiculiserai plus jamais ton GPS, Richard. Je répète en boucle : « -ce n’est pas un gadget, ce n’est pas un gadget, ce n’est pas un gadget ») et il a transformé le semi-remorque en ambulance, rien de moins.
10 minutes plus tard, sur le boulevard en face de l’urgence, mon chauffeur d’ambulance est descendu pour chercher un fauteuil roulant, mais il est vite revenu avec une camionnette de sécurité qui nous a escortés directement à l’entrée : encore mieux que dans un hôtel de 5 étoiles! Ah! Ces Américains, ils « think big » pas à peu près! La rampe d’urgence a la capacité d’accueillir les semi-remorques chargé de 20 tonnes de laitue!
On m’attendait déjà avec un fauteuil et l’on m’a fait rouler les quelques mètres qu’il restait jusqu’au triage. Il n’y a pas même pas de salle d’attente à l’urgence, tout est trop vite!
Cruchtes.
C’est ce que le médecin de l’urgence de Yuma m’a prescrit. Je ne savais pas ce que c’était. Je l’ai appris sur le champ, quand l’infirmière m’a apporté des béquilles et une attèle pour le genou qui faisait « croutche croutche » quand on m’installait les velcros.
************
Depuis plus d’une semaine déjà, je suis en arrêt de travail pour une durée indéterminée. Ça me donne l’occasion de faire plein de trucs qui trainaient dans mon ordinateur, comme de retravailler sur de vieux textes. Je marche péniblement, mais ça va. Je vous tiens au courant et j’attends le printemps comme vous, mais en boitant un peu.
— « Croutche! ».
La salade crie « croutche » quand je lui plante mon thermomètre dans le cœur. Pour les 55 prochaines heures, on prendra soin que vos icebergs ni ne gèlent, ni ne flétrissent. Vos laitues couleur de glacier seront maintenues entre 34 et 38 degrés. Je lis 37 degrés sur le thermomètre, c’est parfait, vous les aimerez et elles « croutcheront » bien sous vos dents, mais si j’étais vous, j’enlèverais les premières feuilles : c’est un voyage en vrac et elles ne sont pas protégées individuellement sauf dans une méga boite de carton.
— « Croutche! »
a hurlé mon genou, quand j’ai atterri les deux pieds sur le sol, en descendant de la remorque. Le gauche a flanché. Tout ça pour des icebergs! Moi qui n’en achète jamais. Ça n’a pas fait mal tout de suite, mais quand j’ai essayé de marcher, je me suis effondrée et j’ai pleuré. J’avais 53 pieds à marcher jusqu’à la cabine et j’étais incapable, trop douloureux. Un chauffeur a beuglé et frappé sur le camion pour réveiller Richard en catastrophe. Quand mon coéquipier de vie a repris ses esprits, il a bien évalué le niveau d’urgence en me questionnant: ma douleur irradiait, mais je savais que je n’en mourrais pas car je ne suis pas un homme! ;c) Comme il n’y avait pas de place de stationnement au truckstop de Yuma et qu’on ne pouvait le mettre nulle part, ce gros camion, Richard a tenté le coup pour l’hôpital. Muni de son super GPS, il a repéré l’hôpital le plus près. (C’est promis je ne le ridiculiserai plus jamais ton GPS, Richard. Je répète en boucle : « -ce n’est pas un gadget, ce n’est pas un gadget, ce n’est pas un gadget ») et il a transformé le semi-remorque en ambulance, rien de moins.
10 minutes plus tard, sur le boulevard en face de l’urgence, mon chauffeur d’ambulance est descendu pour chercher un fauteuil roulant, mais il est vite revenu avec une camionnette de sécurité qui nous a escortés directement à l’entrée : encore mieux que dans un hôtel de 5 étoiles! Ah! Ces Américains, ils « think big » pas à peu près! La rampe d’urgence a la capacité d’accueillir les semi-remorques chargé de 20 tonnes de laitue!
On m’attendait déjà avec un fauteuil et l’on m’a fait rouler les quelques mètres qu’il restait jusqu’au triage. Il n’y a pas même pas de salle d’attente à l’urgence, tout est trop vite!
Cruchtes.
C’est ce que le médecin de l’urgence de Yuma m’a prescrit. Je ne savais pas ce que c’était. Je l’ai appris sur le champ, quand l’infirmière m’a apporté des béquilles et une attèle pour le genou qui faisait « croutche croutche » quand on m’installait les velcros.
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Depuis plus d’une semaine déjà, je suis en arrêt de travail pour une durée indéterminée. Ça me donne l’occasion de faire plein de trucs qui trainaient dans mon ordinateur, comme de retravailler sur de vieux textes. Je marche péniblement, mais ça va. Je vous tiens au courant et j’attends le printemps comme vous, mais en boitant un peu.
05 mars 2009
Le café de la bienveillance
Route I-70 Est, entrée dans l’Illinois. Le mardi 3 mars 2009.
Depuis 2 h 45 cette nuit, je suis installée aux commandes du camion. Richard est tombé dans la couchette pour dormir sa nuit pendant une partie de la journée. J’ai bien dû parcourir 500 kilomètres quand le soleil commence à m’assommer par le rétroviseur. Ce matin, il représente mon pire ennemi, il est trop fort et je n’ai qu’une envie : fermer les yeux pour ne plus le voir. Je lutte contre la fatigue, c’est difficile, j’ai des nanosecondes d’égarement, j’ouvre les fenêtres pour me réveiller et au même moment, je lis sur un panonceau qu’une aire de repos se trouve dans deux miles, coup de chance! Sortir au grand air à -12 degrés Celsius me fouettera un peu, parce qu’avec ce voyage, nous n’avons pas le temps de dormir : en moins de 55 heures on doit parcourir Montréal-Los Angeles, c’est le contrat et nous l’avons accepté.
À l’intérieur du bâtiment, se tient un homme bien portant et très soigné, mais c’est surtout son gobelet de café que j’ai remarqué, il se découpait trop bien sur sa chemise rouge. En revenant des toilettes, il était toujours là, debout, à boire son café. Je me suis dirigée vers la machine, j’ai regardé tout ce qu’elle pouvait offrir : espresso shot; dark roast coffee; chocolat; mokaccino; on peut même lui commander une triple dose. Comme si, en lisant les options et le mot « café » plusieurs fois de suite, mon corps absorbait assez de caféine pour vaincre le sommeil. Il en coutait seulement 50 cennes pour un petit café et je l’avais déjà choisi : un « dark roast » triple dose avec une part de lait. Mais peine perdue, je n’avais pas un rond, ni sur moi, ni dans le camion.
— A good hot coffee! Que j’ai entendu à côté de moi! C’était l’homme au gobelet qui buvait sa gorgée.
— Oh! Oui! Mais la machine ne prend pas les cartes de crédit!
Alors, il a mis les mains dans ses poches et m’a filé les 50 sous. Je n’avais pas la force de refuser.
— Oh! Merci! Merci beaucoup! Vous allez me sauver la vie! Lui dis-je, en élevant ses deux pièces de 25 cennes. Il avait dû voir à ma blancheur l’état de fatigue dans lequel je me trouvais. Je me suis promis intérieurement qu’un jour, je le rendrai au suivant.
J’ai sélectionné mon café, le gobelet est tombé et pendant qu’il coulait, il s’est approché pour me tendre sa boite de biscuits alignés en rang dans leur emballage de plastique.
— Take few.
J’en prends un.
— no, take two more! Insiste-t-il comme si j’allais mourir de faim.
J’en prends deux autres que je glisse dans ma poche de kangourou en me ridant les yeux et les commissures des lèvres d’une expression souriante pour le remercier.
Avec son café et ses biscuits, il s’en est retourné vers son camion. « Aaron » que c’était écrit sur sa portière et sa remorque.
J’étais stationnée juste à côté. J’ai repris la route avant lui tandis qu’il s’affairait à ses papiers. J’ai attendu qu’il lève la tête pendant que je passais devant son camion avant de mordre à pleines dents dans un de ses biscuits. Il a souri. Vanille, beurre et une pointe de citron ont envahi mon palais. Son café m’a tenue éveillée pour l’heure qu’il me restait avant de m’arrêter ravitailler le camion.
La journée peut commencer, encore une fois j’ai la preuve que l’humain sait être bienveillant. C’est ça qui rend heureux : mettre le doigt sur le brin d’humanité des Êtres qui nous entourent.
Depuis 2 h 45 cette nuit, je suis installée aux commandes du camion. Richard est tombé dans la couchette pour dormir sa nuit pendant une partie de la journée. J’ai bien dû parcourir 500 kilomètres quand le soleil commence à m’assommer par le rétroviseur. Ce matin, il représente mon pire ennemi, il est trop fort et je n’ai qu’une envie : fermer les yeux pour ne plus le voir. Je lutte contre la fatigue, c’est difficile, j’ai des nanosecondes d’égarement, j’ouvre les fenêtres pour me réveiller et au même moment, je lis sur un panonceau qu’une aire de repos se trouve dans deux miles, coup de chance! Sortir au grand air à -12 degrés Celsius me fouettera un peu, parce qu’avec ce voyage, nous n’avons pas le temps de dormir : en moins de 55 heures on doit parcourir Montréal-Los Angeles, c’est le contrat et nous l’avons accepté.
À l’intérieur du bâtiment, se tient un homme bien portant et très soigné, mais c’est surtout son gobelet de café que j’ai remarqué, il se découpait trop bien sur sa chemise rouge. En revenant des toilettes, il était toujours là, debout, à boire son café. Je me suis dirigée vers la machine, j’ai regardé tout ce qu’elle pouvait offrir : espresso shot; dark roast coffee; chocolat; mokaccino; on peut même lui commander une triple dose. Comme si, en lisant les options et le mot « café » plusieurs fois de suite, mon corps absorbait assez de caféine pour vaincre le sommeil. Il en coutait seulement 50 cennes pour un petit café et je l’avais déjà choisi : un « dark roast » triple dose avec une part de lait. Mais peine perdue, je n’avais pas un rond, ni sur moi, ni dans le camion.
— A good hot coffee! Que j’ai entendu à côté de moi! C’était l’homme au gobelet qui buvait sa gorgée.
— Oh! Oui! Mais la machine ne prend pas les cartes de crédit!
Alors, il a mis les mains dans ses poches et m’a filé les 50 sous. Je n’avais pas la force de refuser.
— Oh! Merci! Merci beaucoup! Vous allez me sauver la vie! Lui dis-je, en élevant ses deux pièces de 25 cennes. Il avait dû voir à ma blancheur l’état de fatigue dans lequel je me trouvais. Je me suis promis intérieurement qu’un jour, je le rendrai au suivant.
J’ai sélectionné mon café, le gobelet est tombé et pendant qu’il coulait, il s’est approché pour me tendre sa boite de biscuits alignés en rang dans leur emballage de plastique.
— Take few.
J’en prends un.
— no, take two more! Insiste-t-il comme si j’allais mourir de faim.
J’en prends deux autres que je glisse dans ma poche de kangourou en me ridant les yeux et les commissures des lèvres d’une expression souriante pour le remercier.
Avec son café et ses biscuits, il s’en est retourné vers son camion. « Aaron » que c’était écrit sur sa portière et sa remorque.
J’étais stationnée juste à côté. J’ai repris la route avant lui tandis qu’il s’affairait à ses papiers. J’ai attendu qu’il lève la tête pendant que je passais devant son camion avant de mordre à pleines dents dans un de ses biscuits. Il a souri. Vanille, beurre et une pointe de citron ont envahi mon palais. Son café m’a tenue éveillée pour l’heure qu’il me restait avant de m’arrêter ravitailler le camion.
La journée peut commencer, encore une fois j’ai la preuve que l’humain sait être bienveillant. C’est ça qui rend heureux : mettre le doigt sur le brin d’humanité des Êtres qui nous entourent.
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