30 décembre 2006

Une oreille dans les yeux.

Vous ai-je déjà dit qu'une promenade dans mon quartier me plonge tout droit dans une chronique du Plateau-Mont-Royal de Michel Tremblay? Le plateau d'il y a 35 ans il va sans dire. Hochelaga-Maisonneuve qu'il s'appelle mon quartier. J'y rencontre toujours des personnages pleins d'authenticité. Depuis quelque temps, à mon grand plaisir, il y pousse de beaux cafés, où il fait bon flâner et où toute une faune urbaine se mélange — pas parce qu'une majorité de gens pauvres vivent ici qu'ils doivent forcément avoir des endroits minables à fréquenter. Rien de tel qu’un simple café dans un bistrot tendance pour renouer avec la dignité — .
Ce matin, j'ai levé les yeux de mon journal pour croiser ceux d'un monsieur souriant à plein dentier. Il faut croire qu'il a vu des oreilles dans mon regard parce qu'en dézippant son manteau vert forêt et en retirant son couvre-chef à carreaux, comme ça, tout bonnement, il me lance, — je me suis faite rôtir un poulet à matin. Ah que ça sentait bon! Pour Noël, je me suis acheté une belle machine qui rôtit les poulets. Ça va assez ben c'machine là! C'est bon en maudit du poulet là-dedans. J'suis retraité de cuisine, vous savez, je ne chôme pas pour autant. J'ai soixante et dix ans, ça fait dix ans que je me suis arrêté de travailler.
Je lui souris, Richard se tourne vers lui pour lui témoigner de la considération. Ça l'encourage. Il continue de nous conter un petit brin de sa vie quotidienne et quand il a exposé sa courte journée, il nous salue des yeux et part s'assoir en solitaire à une table près la fenêtre. Je poursuis ma lecture faisant des miettes sur la page. Tu me prêtes l'autre cahier mi amor? En relevant la tête, j'aperçois l'homme au regard allumé, il a déjà changé de place pour raconter ses histoires au monsieur à la toison d'argent assis non loin.

Ça doit être dur d'être seul pendant le temps des fêtes. Je n'ai jamais connu ça. Ce n'est pas dans mon tempérament. Si un jour, je deviens seule et sans famille, je pense que moi aussi, j'irai dans un café et qu'en dégrafant mon manteau, je chercherai des regards qui ont des oreilles pour raconter que j'ai fait des biscuits qui sentent assez bon là! Eh que la rue Ontario est donc belle tout illuminée la nuit ou des « j'me suis fait des truffes à la bergamote qui sont assez bonnes là! »

Sinon, à quoi ça sert le plaisir si ce n'est pas partagé?

Et une petite truffe à la bergamote pour moi!

Bonne année à tous les esseulés!

29 décembre 2006

Avez-vous surconsommé?


Je ne vous ai même pas dit joyeux Noël! Ben alors Bonne année avec 2 jours d’avances!

Fuego m’a appelée pour me dire que ça lui faisait du bien, de s’arrêter, ça tombe bien, nous aussi. Mais ce n’est pas parce que des chauffeurs de camion prennent des vacances qu’ils ne font pas de route! Oh non! On a attelé la Tercel, qui, en 7 ans, a fait le même kilométrage que Fuego en 6 mois, pour aller voir le père Noël à Alma, à 550 kilomètres de Montréal. Il y avait de la neige au Lac-Saint-Jean et on a réussi à passer un beau Noël avec un petit manteau blanc tout mince.

Cette année, je n’ai offert que des livres en cadeau pour toujours être en accord avec mes valeurs. Il y en a toujours un qui s’accordera avec la personnalité de chacun, il suffit de flâner, un livre est là qui attend qu’on le lise. En plus, il n’y avait aucune cohue à la librairie près de chez moi le 23 décembre. En moins d’une heure, tout était fait.

À mon filleul, j’ai pensé offrir un livre de magie pour continuer à construire son estime de lui-même et favoriser sa créativité. J’ai passé quelque temps à lui enseigner les rudiments de la magie que l’on a appris ensemble dans son livre. On se pratiquait en cachette et ensuite, il faisait ses tours aux grands qui jouaient aux cartes. J’avais des étoiles dans les yeux, de voir qu’il était si content d’impressionner les grands!

J’ai aussi donné — bien que pour des raisons d’équités envers les autres neveux et nièces dont je ne suis pas la marraine, je n’aurais pas dû — à ma petite nièce de 2 ans et demi, un livre d’imagerie des princesses. Sur le coup, un livre n’a pas autant d’effet qu’un jouet, mais le lendemain, quand l’enfant vient vous voir pour que vous lui racontiez une histoire, le livre prend tout son sens. Ces instants de proximités privilégiés avec les petits valent tous leur pesant d’or. D’ailleurs, elle a reçu un coffre de robes de princesse et bien qu’aucune ne me faisait (j’ai pourtant essayé), on a eu un plaisir fou à se raconter des histoires. C’est drôle, je n’étais pas princesse pantoute quand j’étais petite, mais plutôt garçon manqué (vous vous en doutiez! c’est pas le genre princesse qui peut conduire un camion!). Ça doit être l’âge.

À mon père, j’ai donné le livre de recettes contre le cancer du docteur Béliveau, c’était aussi un vœu de santé et de longévité. À ma mère, un ami m’a dit avoir été très touché par le roman de Filissiadis « Va au bout de tes rêves », j’ai hâte de voir si elle le sera autant. (Il faudra que je retourne au Lac pour le lire). À Richard, j’ai offert le Larousse de la cuisine qui répondra à toutes ses questions culinaires.

Avez-vous respecté vos valeurs en faisant vos cadeaux? J’ai essayé. Un livre imprimé dans un pays qui respecte les droits de l’Homme, ça respecte mes valeurs d’équité, d’écologie et aussi de favoriser le développement intellectuel, le savoir et la créativité à tout âge. J’ai emballé tous mes cadeaux avec un rideau blanc immaculé récupéré et des rubans que je recycle depuis 5 ans. Tous mes emballages étaient réutilisables et je n’en ai acheté aucun, même pas du papier collant, j’ai utilisé des épingles que j’ai enlevées après avoir mis le ruban pour que les enfants ne se piquent pas. Ça faisait partie de mon effort de guerre, pour transmettre une terre moins polluée à mes neveux et nièces. C’était un autre cadeau bien subtil.

Et moi, j’ai reçu un certificat-cadeau pour acheter des livres! Merci Papa et maman! J’ai hâte de retourner à la librairie! Richard m’a donné un I-Pod nano, comme ça, je vais arrêter d’user le sien et je vais continuer de consommer des produits culturels immatériels exempts de polluants.

À Noël, je suis toujours tiraillée dans mes valeurs. La fête en famille est sans contredit, le plus beau cadeau. Mais la surconsommation — surtout de jouets — m’inspire un profond dégout. On se déculpabilise avec toutes sortes de raisons, « c’était pas cher », « c’était en super vente », « c’est vraiment éducatif », « mon petit n’avait pas de cette couleur »… Mais vraiment les enfants ont-ils besoin de tant de cossins pour être heureux? Une poupée ce n’est pas assez, ça en prend 12 pour faire son effet. Une auto? Mais voyons, le petit gars d’aujourd’hui, doit avoir le choix entre 25 pour s’amuser. Les parents et la famille des enfants surenchérissent en les gavant de cadeaux, ce qui fera d’eux de parfaits petits consommateurs s’extasiant devant la nouveauté, recréant l’euphorie de Noël en consommant. Bravo. Mais en mon for intérieur, je souhaite qu’avec un tel ensevelissement, les enfants d’aujourd’hui soient totalement dégoutés de la surconsommation et que l’effet balancier agisse sur eux. Je souhaite qu’ils donnent des oranges à leurs enfants complètement ébahis! Trop, c’est trop! Ça me désole. Pourtant, jouer avec eux tout court, avec rien, aucun jouet, fait autant d’effet. Mais ça, ça prend du temps. Temps que l’on n’a pas quand on le passe à gagner sa vie pour acheter.


Bonne année!

22 décembre 2006

Fuego fuit!

7 h 30. Je me réveille doucement dans le silence, tous les moteurs sont coupés et une petite fraiche commence à envahir la cabine. Dehors, j’aperçois une cour de terre que je reconnais vaguement. J’y ai certainement déjà mis les roues au moins une fois depuis 7 ans. En levant les yeux, j’aperçois le sigle KENWORTH, le même que sur Fuego, qui se découpe en rouge dans le ciel terne. Sur l’enregistreur numérique qui nous sert de journal de bord, Richard m’a laissé son diagnostic détaillé, à la suite de son inspection sous le capot. Ce n’est pas bien grave : une fuite de liquide de refroidissement s’est frayé un chemin dans l’ouverture provoquée par le frottement du tuyau de caoutchouc sur une pièce en mouvement. La fumée, c’était le liquide qui s’évaporait sur les pièces chaudes du moteur. Richard s’est rendu au concessionnaire le plus près, sauf qu’à 3 heures du matin, le garage n’était pas encore ouvert, alors il a dû arrêter toutes les machines jusqu’au matin. Encore chanceux que nous ne soyons pas dimanche!


Le problème m’incombe maintenant, je revêts la casquette de capitaine, Richard a pris ma place dans la couchette, complètement saisi par le sommeil.

L’hémorragie doit être contenue avant que Fuego se vide de son liquide, il ne pourrait pas en mourir, parce qu’il est muni de systèmes de protection pour sa survie : dès que le niveau de son liquide refroidissant est trop bas, il s’arrête tout bêtement où qu’il se trouve et devient un corps-mort évanoui, comme un courreur déshydraté. Là, il suffit d’ajouter du liquide refroidissant, une sorte de Gatorade vert ou rose pour camion, (qu’il faut avoir pris soin de prendre à son bord avant le départ, avis aux nouveaux chauffeurs!) pour se rendre au garage. Dans le pire des cas, de l’eau, ou du Pepsi pourrait faire l’affaire, mais comme cela pourrait provoquer une corrosion prématurée des organes internes, une maladie que j’appellerai — le cancer par omission de Prestone —, ce n’est pas recommandé, pas plus que de manger du gras trans.

Je dois faire soigner Fuego vite fait bien fait avant de reprendre le chemin. Je note toutes les informations du camion, je sais par expérience qu’on aura besoin de tout son pedigree avant de le soigner : son numéro d’assurance sociale, en l’occurrence, son numéro de série — pour s’assurer que ce ne soit pas un immigrant illégal et sans-papier ou un terroriste recherché —, son vécu en kilomètres — en cas de vieillesse de plus de 160 000 kilomètres, il n’est plus assuré pour toutes les maladies et il faut payer très cher, ça coute cher être vieux —, le nom et les coordonnées de ses parents — la compagnie qui en prend soin —.

Dans la grande salle sans fenêtre éclairée aux néons, l’atmosphère est sinistre, même le gris du ciel est joyeux, comparé au brun crasseux du garage. Je ne sais pas comment ils font pour garder le moral dans cet environnement, à leur place, j’aurais demandé depuis longtemps une enveloppe pour me suicider. (Ça coupe une enveloppe!). Je repère le bureau du service. Le conseiller technique me dit où stationner (je salue ma cousine au passage, elle est mécanicienne et conseillère technique chez Toyota!). Je déleste Fuego de sa remorque et je roule doucement entre les saillies de terre pour ne pas réveiller mon partenaire.

Chez Kenworth, Fuego est considéré comme un membre de la famille. On l’accueille comme si on le connaissait, une seule baie est libre comme si on l’attendait. Petite tape sur le capot, — comment ça va Fuego? C’est le plus beau de la salle, le plus jeune aussi. Des membres de la famille beaucoup plus âgés se font tripatouiller les entrailles. Il y en a même qui subissent des opérations à moteur ouvert, les organes pendouillants sur des tables de travail, d’autres qui sont branchés sur des machines, un qui tousse étrangement, un autre qui a les poumons tout noirs. La salle d’urgence n’est pas des plus hygiénique et j’ai peur que Fuego choppe une autre maladie dans cette chambre au manque d’hygiène flagrant. Le docteur est moustachu (à part en ex-URSS, avez-vous déjà vu des docteurs moustachus?). Il lui refait des tests pour rendre compte au chef de son diagnostic. Le même que Richard. Fuego n’a que 100 500 kilomètres au compteur et j’en déduis qu’il est toujours couvert par la garantie. Mais comme aux États-Unis les camions sont garantis 100 000 miles, il a fallu que je m’obstine avec le conseiller pour qu’il comprenne que 100 500 km, ça fait seulement 62 450 miles. Il est revenu me dire que j’avais raison. J’ai toujours raison. (Richard n’a pas lu ça encore…)


Le docteur moustachu m’offre deux soins : le plus vite consiste à couper le tuyau « atteint d’un trou » et en greffer un autre sans trou, au moyen de « deux joints d’étanchéités très étanches » me dit-il. Durée de l’opération : 30 minutes. « -It may last for ever » prend-il le soin de me préciser en s’essuyant les mains sur un torchon bleu marin. L’autre soin, moins palliatif, plus drastique, mais plus définitif, consiste à retirer toute la veine de Fuego et de lui en poser une toute neuve, une opération de « -at least 3 hours » insiste-t-il.

Je lis entre les lignes que plus on tripote, plus on risque d’aggraver le cas et de briser d’autres organes. Je suis Capitaine, et j’opte pour le premier soin, comme si j’étais une gestionnaire d’hôpital du Québec, beau, bon, pas cher, — ce qui compte, c’est la vie, pas la santé! (c’est de l’ironie au cas ou ça ne passe pas bien à l’écrit…). Rabouter, c’est bien plus vite. Il n’est pas question que nous perdions notre temps ici, même si c’est garanti, et puisque « les joints d’étanchéité sont étanches », je ne vois pas pourquoi ça fuirait! Le moustachu m’a dit que ça pourrait durer «pour toujours». Il y avait bien « for ever » dans sa phrase, c’est ce qui compte! On accroche sur ce qui nous sied. Le processus de décision est aussi influencé par le fait qu’arrêté, ça ne roule pas, et que quand ça ne roule pas, ça ne paye pas, aussi simple que ça. Vous comprenez la logique « camionnesque » maintenant. On appelle ça de la productivité lucide.


Le temps que je fasse quelques papiers, une petite sieste et tout était prêt, même pas besoin de signer un formulaire. En mécanique, un problème visible, est un problème facile à régler, parlez-en à mon oncle, il est prof de mécanique. (Oncle R.D. va-t-il se manifester pour un diagnostic? Ou bien me contrarier sur ma décision? )

À 9h00, j’ai raccroché le chargement et remis Fuego sur les rails. Il se porte bien, il n’a que deux petits joints de plus qu’avant. Depuis cette aventures, Fuego a roulé 4950 kilomètres sans hémoragies, il tient bien le coup, nous aussi.

21 décembre 2006

Fuego fulmine!

Alors que je dors depuis à peine plus d’une heure, les plafonniers au-dessus de la couchette s’allument et me tirent du confort d’un rêve, comme quand on approche d’un terminus en autobus, mais cette fois, le chauffeur me connait personnellement : il m’appelle par mon nom pour que je me lève. Je sens Fuego changer de régime de moteur et de rapport de vitesse, nous ralentissons pour pénétrer une ville qui doit être Windsor en Ontario. Je sais que nous serons bientôt aux douanes, je m’étais endormie avec cette idée. Richard prépare nos passeports pendant que j’enfile mes pantalons et ma veste en laine polaire par-dessus mon pyjama. Je m’affale sur le lit pour tenter de prolonger mon repos de quelques minutes avant de franchir la frontière, mais Richard, du haut du siège de capitaine, me commande de sortir les papiers afin que nous soyons fins prêts pour la traversée. C’est lui qui dirige la nuit et je ne suis pas en état d’argumenter, je m’exécute en bâillant et tout abrutie par le sommeil, je m’assois sur le siège du passager. Les files de camions s’étirent jusque sur le pont Ambassador. Étrange sensation de déjà vécu. Soudain, à travers mes mirettes embrouillées, je remarque une mince fumée blanche qui surgit du capot. J’écarquille les yeux pour être convaincue par ce que je crois voir. Pas de doutes, Fuego fulmine! Je tourne la tête vers mon partenaire et nos regards inquiets se croisent sans qu’on ait à se dire un mot. Mais qu’est-ce qui lui prend de s’enflammer ainsi? Comme si Fuego montait sur ses grands chevaux parce qu’il exècre faire la queue aux douanes. Il doit se contenir jusqu’à ce que l’on soit traversés. Fuego calme toi, on est presque passés!

Il est hors de question d’examiner sous le capot de notre valeureux camion pendant qu’on roule sur le pont, ni sous son tablier, ni aux douanes. À Détroit, il est interdit de se garer en bordure de la rue même pour quelques secondes : No stopping, No standing, No parking. Est-ce assez clair? Il y a au moins 25 panonceaux pour nous le rappeler.
La police nous guette souvent à la sortie du péage, et plusieurs fois nous avons vu de « pauvres » chauffeurs écoper d’une contravention, amplifiant encore plus le qualificatif « pauvre », duquel on les affuble, pour avoir voulu mettre à jour leur carnet de route ou simplement pour soulager leur vessie. Il faudra que Fuego prenne son mal en patience pour les prochains 75 kilomètres.

Par chance, Richard gagne à la « loto-queue », et nous arrivons, en moins de 10 minutes, près de la cabine de l’inspecteur. L’agent des douanes, sans sourire, prend un temps qui me parait plus long à vérifier nos papiers. Au bout de quelques minutes, il nous en remet une copie estampillée « x Ray » et avec son plus bel air bête, sans raison apparente, sans soupçon aucun, juste parce que ça lui tente, il nous dirige à l’inspection secondaire aux rayons X. Peut-être a-t-il perçu les fulminations de Fuego? Pourtant, on prend soin de lui couper systématiquement le moteur dès qu’on atteint la guérite — qui, selon Richard, ressemble à une niche à chien —, pour ne pas déclencher le jappement du douanier. Je n’ai pas enfilé mon manteau pour rien, nous devons sortir pour éviter de nous faire irradier vivants par les puissants rayons X sur rails. Une fois sur 5 nous y passons, sans discrimination. Le fait de voir les experts en irradiation de camion encabanés comme nous me rassure un peu. Comme ils sont exposés à la radioactivité quotidiennement, j’imagine que dans un pays où les rapaces de la justice planent au-dessus de tout pour trouver une cause à se mettre dans le bec pour gagner leur vie et leur gloire, des précautions exceptionnelles ont été prévues pour notre protection à tous. Voilà maintenant que les hululements de vautours peuvent m’apaiser l’esprit! J’en suis moi-même éberluée! Fuego nous inquiète toujours et quand l’inspecteur nous donne le signal de dégager, je regarde furtivement sous la roue avant pour déceler une fuite. Je remarque des taches graisseuses sur les pièces du camion, mais pas au sol. C’est de bon augure. Mon inspection s’arrête là. Pendant le quart de nuit, les responsabilités incombent à Richard qui dirige le vaisseau, et moi, mon travail consiste à dormir pour mieux continuer à faire avancer le navire au matin. Je le laisse en plan avec Fuego et ses états d’âme, il saura très bien se débrouiller seul. Tout habillée, je m’en remets aux bras de Morphée et au jugement du capitaine en service. Je perds la carte jusqu’au début du jour.

À suivre…

18 décembre 2006

Départ pour le Sud

Nous partons à l'instant pour Dallas. On livre le 21. Papa va bien. On sera de retour pour Noël si tout va bien. Merci pour tous vos encouragements. J'esssaie de vous écrire quelques mots avant sur la route si j'ai le temps.

Sandra

14 décembre 2006

La maison de Papa

Maman va bien, elle veille sur Papa les dix minutes par heure qu'on accorde aux visiteurs des soins intensifs.


Papa s'est réveillé. Il est sous oxygène, mais respire tout seul. Il a encore beaucoup de force dans les mains pour serrer avec vigueur ceux qu'il aime. Les médecins affirment que les 48 prochaines heures seront critiques, parce que c'est là que peuvent survenir les complications, après, on pourra dire qu’il est officiellement sur la voie de la rémission. La douleur est contrôlée sous médication et on lui passe des glaçons sur le corps pour vérifier qu'il ne sente rien. Les cubes d’eau gelée fondent sans qu’il bronche, c’est bon signe. On l’a bien examiné pour qu’il n’ait aucune paralysie. La dernière fois qu’on lui a enlevé un lobe pulmonaire, une de ses cordes vocales, pour une raison inconnue, avait paralysé pour quelques mois et il avait d’énormes difficultés à parler. Pas cette fois. Ses cordes vibrent encore au diapason, bien graves dans leur coffre de résonance. On pourra converser au téléphone dès qu’il aura une chambre. Pour l’instant, Maman fait imprimer mes textes et les lui lit, c’est comme ça que je peux lui témoigner ma présence.

Ça y' est, Papa est rendu de « l'autre bord de sa vie », comme il dit. Il entame sa vie avec un seul poumon, trop conscient que c'est son dernier, trop conscient qu'il devra lui demander de travailler pour deux, trop conscient que sa qualité de vie en dépend.

Alors qu’il a souvent laissé le soin à Maman de s’occuper de trouver les cadeaux de Noël pour chacun d’entre nous, cette année, Papa a tenu à acheter lui-même tous nos présents avant d’être rendu de « l’autre bord de sa vie ». Mais le plus beau cadeau qu’il nous fera, c’est d’être là, avec nous pour Noël.

Au printemps, il veut construire la maison de ses rêves. Dans sa vie professionnelle, il en a bâti des dizaines pour les autres, comme pour prendre de l’expérience pour construire la sienne un jour. Une maison qui restera sur terre après son passage, une maison où on laissera trainer une main le long des murs en disant : — papa, je sens ton âme dans cette maison parce que tu y as mis le meilleur de toi-même. Mais le meilleur de lui-même, il nous l’a déjà donné à nous, maman et ses quatre enfants. En attendant, sa maison à lui abrite un poumon en moins et c’est de celle-là qu’on va s’occuper.

Bon courage Papa!

12 décembre 2006

Bonne chance Papa


Chers compagnons de route,

Je suis rentrée chez nous vendredi soir d'une tournée de plusieurs milliers de kilomètres que vous avez suivie par bribes. Le temps de dormir une nuit dans mon lit et tout de suite j'ai sauté dans le premier bus pour Alma et j’ai roulé pendant 7 heures pour aller dessiner des robes princesse avec ma petite nièce de 2 ans, jouer au hockey avec mon filleul de 5 ans, et aussi surtout, dire à mon père que je l'aime gros comme le ciel juste avant son opération au poumon. Demain, on lui enlèvera son dernier lobe gauche qui a des traces de cancer. Il a eu 60 ans hier. C'est encore une jeunesse dans le coeur, d'ailleurs, avec son humour et son moral d'acier, il a demandé au docteur de lui greffer un « Vinier » rempli de vapeur de vin dans l'espace laissé par le poumon. On a bien ri. L'humour soulage. Je lui souhaite un poumon droit ultra efficace pour le reste de sa vie. Il a encore de grands rêves à réaliser avec son dernier poumon.

Dimanche soir, en refaisant les 7 heures de bus pour Montréal, j'avais un petit motton dans la gorge en pensant à tout ça.

La vie continue.

Qu'est-ce que 14 heures de route en 36 heures pour aller faire sourire une petite fille, entendre mon filleul éclater de rire, voir l'espièglerie dans le regard de son père et serrer sa mère très fort dans ses bras?

Bonne chance pour demain Papa!


Je vous mets une photo de ma nièce pleine de vie alors que je lui faisais faire l'avion sur mes pieds.
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Aujourd'hui, j'avais ma 3e chronique à Bazzo.tv, elle est disponible en court extrait sur le site, sous la rubrique « la mondialisation vue du camion » si vous l'avez ratée. Vous pourrez entendre toute la chronique en balado-diffusion (voir le site) si vous téléchargez l'émission d'aujourd'hui avant la semaine prochaine.
Et les sapins naturels québécois sont un puissant capteur de carbone, donc plus que verts! Vive les sapins naturels! Et de ce pas, je m'empresse d'aller décorer le mien...

07 décembre 2006

oconomowoc

C'est là qu'on est. Oconomowoc, Wisconsin. Je vous donne un devoir : qu'est-ce que ça veut dire Oconomowoc? Je n'en sais rien. Peut-être que ça a à voir avec le froid? Il fait moins 14 degrés et chaque fois que je respire, je souffle comme un train, sauf que moi, le froid m’étouffe alors je n’irais pas bien loin… Le soleil réchauffe le paysage qui est très joli; les maisons sont invitantes, toutes parées de leurs décors d’hiver : tapis blanc, guirlandes d’ampoules étincelantes, sapins remplis de cocottes à leur cime, fumée dans les cheminées et à la radio, il y a un air de Noël avec des grelots.

Assise au siège du conducteur, ordinateur sur les genoux, Fuego brasse chaque fois qu’on le charge d’une palette de boite de conserve vide. Ce soir, on sera déjà rentrés au Canada à Mississauga. Après, qui sait?

06 décembre 2006

Des petites nouvelles des voyageurs

Ça devient difficile les compagnons. Les voyages sont courts ce qui ne nous laisse presque pas de temps libre. Quand on en a, il faut dormir ou bien prendre une douche, si bien que je n’ai plus le temps de ne rien vous raconter. Espérons que ça se stabilise. Dès que je rentre chez moi, je vous mets des photos.

Après le savon ramené de la Géorgie, on a pris du papier recyclé de Toronto pour l’emmener au sud de Montréal où on le désencre, ça sentait pas mal moins bon. La nuit dernière, Richard nous a pris une remorque pleine de pneus et on va au nord de Chicago, chez GM, pour la livrer. Il y a une mince couche blanche au sol, mais Fuego adhère bien à la chaussée, donc, ne soyez pas inquiets, Demain on se réveillera au nord de Chicago dans le Wisconsin.

À bientôt,

(et on a tout mangé les petits bonhommes!)

02 décembre 2006

Atlanta les petits bonshommes!

Je vous ai fait des petits bonshommes en pain d'épices pour la route.

On part ce soir après le souper, pour une balieue d'Atlanta en Géorgie. D'abord, nous serons séparés quelques heures... Je suivrai Fuego à bord d'un de ses frères d'huile qui doit aller à Toronto, sa nouvelle base. Ensuite, je remonte avec Fuego et Richard, et nous terminerons le voyage jusqu'à Atlanta. Un petit 21 heures de conduite, nous devons livrer lundi matin.

Vous montez toujours? La route risque d’être enneigée, il y a des flocons dans le ciel de Montréal. On va être prudents, c’est promis!


À bientôt!