Vanessa m’a écrit un courriel cette semaine, elle a 16 ans, est étudiante et habite près de Montréal, j’ajoute qu’elle est très articulée (elle ne fait pas de fautes d’orthographe) et est très très polie et bien éduquée (elle me vouvoie!). C’est déjà une grande voyageuse dans l’âme, elle a passé 3 mois dans une famille en Alberta l’an dernier et l’Ouest l’appelle encore cette année. Mais voilà. Elle n’a pas les sous pour le billet d’avion et s’est mise dans la tête que peut-être, quelque part, un camionneur (encore mieux une camionneuse) (peut-être aussi un RV ou un automobiliste?) pourrait lui faire faire le voyage vers l’Ouest. Vous avez des conseils et des tuyaux pour elle? Pour moi, c’est impossible (déjà 2 dans Fuego, à 3 on étoufferait et les assurances ne nous permettent pas de faire voyager quelqu’un de moins de 18 ans, je crois que seuls les chauffeurs-propriétaires le pourraient).
Ses parents ne sont pas trop rassurés et ont bien des préjugés envers les camionneurs (qu’ils sont en manque de sexe entre autres!). C’est bien normal, laisser partir sa fille de 16 ans tout innocente et toute naïve avec des inconnus, après tout, elle n’est pas encore majeure. Mais ils consentiraient à la laisser partir avec quelqu’un qui a de bonnes références.
Vanessa m’a rappelé des souvenirs en m’écrivant de la sorte…
À l’été de mes 18 ans, mon père m’a prise en flagrant délit sur le bord de la route à Hébertville alors que je faisais du pouce… Je lui avais dit que je partais à Montréal pour voir la parade de la coupe Stanley (la dernière que le Canadien a gagnée, vous vous rappelez?) avec des amis, mais je ne lui avais pas dit comment… La face qu’il m’a faite! Je m’en souviens encore comme si c’était hier, je fondais dans mon imper jaune à mesure que je voyais s’approcher son pickup Ford Ranger rouge, surmonté d’une boite blanche. Je l’avais reconnu de loin parce qu’avec le boucan qu’il faisait (son silencieux avait attrapé la rouille — pour être polie — et il grondait toutes les fois qu’on accélérait), on l’entendait venir à 2 miles à la ronde.
Il faisait beau et frais, il conduisait les fenêtres baissées, il s’est approché et a freiné à ma hauteur (Gnaannngn gn gn gn gngn gngn! décompression bruyante de son pickup). (dans ce genre là mais avec la boite blanche et de la rouille partout, pas très propre, et tout rouge, sans cabine extensionnée, enfin vous voyez le genre)
Tous les deux on se penche la tête pour se voir par la fenêtre du passager.
Papa : — J’te pogne hein? Mi-figue mi-raisin
Pickup Ford Ranger : — tuf tuf tuf tuf
Pouceuse prise en flagrant délit : — ouais… dis-je avec un rire nerveux tout en me tortillant sur place
Papa : - «Quant-est-ce-que-te-rviens?»
Pouceuse soulagée : — Heuuu, dans 3 jours.
Papa : — appelle en arrivant.
Et le Pick-up rouge reprend de plus belle : gneeeegn, gneeeeeeeeng, gneeeeenng (changement de vitesse bruyant).
C’est à cet instant précis que j’ai compris qu’il avait fait son deuil de contrôler mes faits et gestes et qu’il m’accordait toute sa confiance, car après tout, j’avais déjà mon appartement à Montréal depuis quelques semaines pour partir étudier en septembre et de toute façon, il aurait bien fallu qu’il s’y fasse un jour ou l’autre!
J’ai fait des milliers de kilomètres à voyager comme ça, sur le pouce. Il m’est arrivé des dizaines d’anecdotes, des vertes et des pas mûres, des bonnes et des moins bonnes et je suis encore là pour les raconter. Faire du pouce, c’est la liberté, la vraie, celle qui ne s’achète pas, celle qui est uniquement dans l’esprit. La liberté de ne rien posséder, que son baluchon et sa tête, sans contraintes d’argent ou de la mécanique de sa voiture. Il faut être libre de peurs et avoir une grande confiance en la vie pour voyager de cette façon et s’en remettre à la bonne grâce des automobilistes. Ça permet de forcer la rencontre avec des gens, chose difficile de nos jours, quand on n’est pas introduit au préalable. Les rencontres sont parfois fortuites et instructives, d’autres pas. C’est quand même là que j’ai conduit ma première BMW (et la dernière)!
La BM se range un peu plus loin que moi à l’entrée du parc des Laurentides et le gars sort :
— T’a ton permis?
— Oui?
— Tu vas conduire jusqu’au Lac
— (Yessss!)
Nous n’avons pas dit un mot du voyage, il a lu son journal, j’ai pris mon pied au volant en prenant soin de ne pas trop faire bouger mon passager. Je suis allée me reconduire jusqu’à la maison, mes parents ne m’attendaient pas, je ne voulais pas les inquiéter. Ma mère était sur le balcon et se demandait bien ce que je faisais au volant d’une voiture de luxe! (Je ne crois pas qu’elle n’a jamais douté que je fusse entrée dans la mafia, ce n’était pas mon genre.)
Je sais maintenant comment mes parents se sentaient quand je leur racontais mes voyages sur le pouce au Texas à 19 ans. J’étais bien naïve comme toutes les filles de mon âge. C’est là que j’ai embarqué pour la première fois à bord d’un camion. J’étais avec une copine à la jonction des autoroutes 10 et 20 au Texas, un camion s’arrête pour nous prendre. Nous n’attendions jamais bien longtemps. Dès que nous nous sommes assises dans son camion, il nous a demandé si nous étions intéressées à avoir du sexe! Allant même jusqu’à épeler le mot s-e-x pour bien que l’on comprenne! (Nous parlions anglais avec un très fort accent). On lui a ri au visage et on a dit non, il ne nous en a plus reparlé après, le sujet était clos. Mais il nous a parlé de sa femme et de sa famille en Caroline du Nord. Au bout de quelques heures de route, la nuit tombait et nous étions tout près d’arriver au centre-ville de Dallas, notre destination. Nous voulions qu’ils nous laissent sur la route avant d’arriver pour qu’on campe dans un champ quelque part (naïves je vous dis!) et reprendre la route à la clarté, mais il a tenu à nous amener directement au centre-ville avec sa remorque. Il a fallu qu’il fasse quelques appels pour connaitre le chemin et savoir si la hauteur des ponts et viaducs était adéquate pour passer avec un gros camion. C’était le bon temps quand j’y repense!
Alors que nous étions sur la route 10 toujours au Texas, au sortir de San Antonio, un autre chauffeur nous a embarquées jusqu’à El Paso et nous a amenées passer une semaine dans sa famille, il nous payait les repas (trio McDo, trio Wendy’s, Pizza, œufs-saucisses extra cholestérol pour le petit déjeuner…)¸ nous étions bien contentes parce que toutes nos «cennes» étaient comptées pour le voyage de retour. Il a eu le béguin pour ma copine, mais elle a dit non et il ne lui a pas sauté dessus pour autant.
Ce genre de situation aurait peut-être fini par m’arriver de toute façon, il ne faut pas fermer les yeux, cela existe bel et bien, c’est la vie! Il faut seulement être bien équipé pour y faire face, je pense qu’une grande confiance en soi aide à la persuasion dans toutes les situations. Et on n’acquiert pas cette confiance en ayant peur de tout, il faut parfois foncer et développer tous ses talents pour être absolument persuadé que l’on peut tout faire!
Si je me fie à mon expérience, je dirais que oui, en général, les chauffeurs sont souvent en manque de sexe! (qu’est-ce qu’elle raconte?) Mais et alors? Ils sont civilisés comme les hommes de notre société. Des malades et des violeurs, il y en a dans tous les domaines. Toutes les fois j’ai dit non, et ils ne m’ont plus achalée avec ça. J’ajouterais que je me sentirais plus sure, seule avec un chauffeur en manque de sexe qu’avec un gars saoul en manque de sexe! Le chauffeur, on peut facilement le retracer après avec son numéro de plaque et il a beaucoup à perdre, mais pas le gars saoul dans un bar… ni vu ni connu!
Cela dit, Vanessa, je ne t’encourage pas à faire du pouce. Du moins, pas avant que tu aies 18 ans et pas toute seule. Si un chauffeur veut bien te prendre, c’est vrai, tes parents ont raison, il faut prendre des références, son nom, sa compagnie, la compagnie qui lui fournit les voyages. Et il faut que… t’appelle en arrivant!
Aller dans l’ouest pour un chauffeur solo prend moins de 4 jours en général.
Bonne chance et je te souhaite un bon voyage!
(J’espère que mes aventures n’effraieront pas trop tes parents et que tu trouveras le moyen de te rendre dans l’Ouest. Les voyages forment la jeunesse, c’est encore vrai.)
Ses parents ne sont pas trop rassurés et ont bien des préjugés envers les camionneurs (qu’ils sont en manque de sexe entre autres!). C’est bien normal, laisser partir sa fille de 16 ans tout innocente et toute naïve avec des inconnus, après tout, elle n’est pas encore majeure. Mais ils consentiraient à la laisser partir avec quelqu’un qui a de bonnes références.
Vanessa m’a rappelé des souvenirs en m’écrivant de la sorte…
À l’été de mes 18 ans, mon père m’a prise en flagrant délit sur le bord de la route à Hébertville alors que je faisais du pouce… Je lui avais dit que je partais à Montréal pour voir la parade de la coupe Stanley (la dernière que le Canadien a gagnée, vous vous rappelez?) avec des amis, mais je ne lui avais pas dit comment… La face qu’il m’a faite! Je m’en souviens encore comme si c’était hier, je fondais dans mon imper jaune à mesure que je voyais s’approcher son pickup Ford Ranger rouge, surmonté d’une boite blanche. Je l’avais reconnu de loin parce qu’avec le boucan qu’il faisait (son silencieux avait attrapé la rouille — pour être polie — et il grondait toutes les fois qu’on accélérait), on l’entendait venir à 2 miles à la ronde.
Il faisait beau et frais, il conduisait les fenêtres baissées, il s’est approché et a freiné à ma hauteur (Gnaannngn gn gn gn gngn gngn! décompression bruyante de son pickup). (dans ce genre là mais avec la boite blanche et de la rouille partout, pas très propre, et tout rouge, sans cabine extensionnée, enfin vous voyez le genre)
Tous les deux on se penche la tête pour se voir par la fenêtre du passager.
Papa : — J’te pogne hein? Mi-figue mi-raisin
Pickup Ford Ranger : — tuf tuf tuf tuf
Pouceuse prise en flagrant délit : — ouais… dis-je avec un rire nerveux tout en me tortillant sur place
Papa : - «Quant-est-ce-que-te-rviens?»
Pouceuse soulagée : — Heuuu, dans 3 jours.
Papa : — appelle en arrivant.
Et le Pick-up rouge reprend de plus belle : gneeeegn, gneeeeeeeeng, gneeeeenng (changement de vitesse bruyant).
C’est à cet instant précis que j’ai compris qu’il avait fait son deuil de contrôler mes faits et gestes et qu’il m’accordait toute sa confiance, car après tout, j’avais déjà mon appartement à Montréal depuis quelques semaines pour partir étudier en septembre et de toute façon, il aurait bien fallu qu’il s’y fasse un jour ou l’autre!
J’ai fait des milliers de kilomètres à voyager comme ça, sur le pouce. Il m’est arrivé des dizaines d’anecdotes, des vertes et des pas mûres, des bonnes et des moins bonnes et je suis encore là pour les raconter. Faire du pouce, c’est la liberté, la vraie, celle qui ne s’achète pas, celle qui est uniquement dans l’esprit. La liberté de ne rien posséder, que son baluchon et sa tête, sans contraintes d’argent ou de la mécanique de sa voiture. Il faut être libre de peurs et avoir une grande confiance en la vie pour voyager de cette façon et s’en remettre à la bonne grâce des automobilistes. Ça permet de forcer la rencontre avec des gens, chose difficile de nos jours, quand on n’est pas introduit au préalable. Les rencontres sont parfois fortuites et instructives, d’autres pas. C’est quand même là que j’ai conduit ma première BMW (et la dernière)!
La BM se range un peu plus loin que moi à l’entrée du parc des Laurentides et le gars sort :
— T’a ton permis?
— Oui?
— Tu vas conduire jusqu’au Lac
— (Yessss!)
Nous n’avons pas dit un mot du voyage, il a lu son journal, j’ai pris mon pied au volant en prenant soin de ne pas trop faire bouger mon passager. Je suis allée me reconduire jusqu’à la maison, mes parents ne m’attendaient pas, je ne voulais pas les inquiéter. Ma mère était sur le balcon et se demandait bien ce que je faisais au volant d’une voiture de luxe! (Je ne crois pas qu’elle n’a jamais douté que je fusse entrée dans la mafia, ce n’était pas mon genre.)
Je sais maintenant comment mes parents se sentaient quand je leur racontais mes voyages sur le pouce au Texas à 19 ans. J’étais bien naïve comme toutes les filles de mon âge. C’est là que j’ai embarqué pour la première fois à bord d’un camion. J’étais avec une copine à la jonction des autoroutes 10 et 20 au Texas, un camion s’arrête pour nous prendre. Nous n’attendions jamais bien longtemps. Dès que nous nous sommes assises dans son camion, il nous a demandé si nous étions intéressées à avoir du sexe! Allant même jusqu’à épeler le mot s-e-x pour bien que l’on comprenne! (Nous parlions anglais avec un très fort accent). On lui a ri au visage et on a dit non, il ne nous en a plus reparlé après, le sujet était clos. Mais il nous a parlé de sa femme et de sa famille en Caroline du Nord. Au bout de quelques heures de route, la nuit tombait et nous étions tout près d’arriver au centre-ville de Dallas, notre destination. Nous voulions qu’ils nous laissent sur la route avant d’arriver pour qu’on campe dans un champ quelque part (naïves je vous dis!) et reprendre la route à la clarté, mais il a tenu à nous amener directement au centre-ville avec sa remorque. Il a fallu qu’il fasse quelques appels pour connaitre le chemin et savoir si la hauteur des ponts et viaducs était adéquate pour passer avec un gros camion. C’était le bon temps quand j’y repense!
Alors que nous étions sur la route 10 toujours au Texas, au sortir de San Antonio, un autre chauffeur nous a embarquées jusqu’à El Paso et nous a amenées passer une semaine dans sa famille, il nous payait les repas (trio McDo, trio Wendy’s, Pizza, œufs-saucisses extra cholestérol pour le petit déjeuner…)¸ nous étions bien contentes parce que toutes nos «cennes» étaient comptées pour le voyage de retour. Il a eu le béguin pour ma copine, mais elle a dit non et il ne lui a pas sauté dessus pour autant.
Ce genre de situation aurait peut-être fini par m’arriver de toute façon, il ne faut pas fermer les yeux, cela existe bel et bien, c’est la vie! Il faut seulement être bien équipé pour y faire face, je pense qu’une grande confiance en soi aide à la persuasion dans toutes les situations. Et on n’acquiert pas cette confiance en ayant peur de tout, il faut parfois foncer et développer tous ses talents pour être absolument persuadé que l’on peut tout faire!
Si je me fie à mon expérience, je dirais que oui, en général, les chauffeurs sont souvent en manque de sexe! (qu’est-ce qu’elle raconte?) Mais et alors? Ils sont civilisés comme les hommes de notre société. Des malades et des violeurs, il y en a dans tous les domaines. Toutes les fois j’ai dit non, et ils ne m’ont plus achalée avec ça. J’ajouterais que je me sentirais plus sure, seule avec un chauffeur en manque de sexe qu’avec un gars saoul en manque de sexe! Le chauffeur, on peut facilement le retracer après avec son numéro de plaque et il a beaucoup à perdre, mais pas le gars saoul dans un bar… ni vu ni connu!
Cela dit, Vanessa, je ne t’encourage pas à faire du pouce. Du moins, pas avant que tu aies 18 ans et pas toute seule. Si un chauffeur veut bien te prendre, c’est vrai, tes parents ont raison, il faut prendre des références, son nom, sa compagnie, la compagnie qui lui fournit les voyages. Et il faut que… t’appelle en arrivant!
Aller dans l’ouest pour un chauffeur solo prend moins de 4 jours en général.
Bonne chance et je te souhaite un bon voyage!
(J’espère que mes aventures n’effraieront pas trop tes parents et que tu trouveras le moyen de te rendre dans l’Ouest. Les voyages forment la jeunesse, c’est encore vrai.)