04 août 2006

Pamela Chrabieh Badine : en direct de la guerre au Liban.

André m'a fait découvrir le blogue de Pamela (il l'avait découvert grâce à French Lily). Elle se trouve présentement en plein coeur de la guerre au Liban. Sur son blogue, elle témoigne quotidiennement et même d'heure en heure de l'évolution de la guerre et elle publie des photos non censurées de la presse libanaise (coeurs sensibles s'abstenir). Le blogue est un outil incroyablement puissant pour toutes sortes d'applications, il nous donne le point de vue intérieur de la guerre.

Je lui posais des questions dans un courriel avec l'intention de faire un portrait de sa situation pour l'aider à faire connaitre sa vérité. Mais comme ses réponses sont très claires, j'ai laissé tout tel quel. Les questions sont en vert et les réponses en
rouge.

Et moi, impuissante, je ne peux que lui souhaiter bonne chance et bon courage. Que la force soit avec toi Pamela!

P.s.: j'apprenais dans le Devoir ce matin, sous la plume d'Alexandre Shields, qu'elle est chercheuse à la chaire de recherche du Canada en Islam, pluralisme et globalisation, à l'Université de Montréal.


> Où te trouves-tu en ce moment?
En banlieue de Beyrouth à 300 m d'altitude. Mais nous allons quitter encore un peu mon mari Nicolas et moi chez nos parents à 1000 m d'altitude (c'est le mont Liban).

> Quelle ville?
Le Metn ou Mont-Liban


> Veux-tu être évacuée du Liban?
Nous devions quitter vers la fin août pour Montréal à cause de nos travaux respectifs Nicolas et moi. Mais c'est très dangereux maintenant de fuir. Toutes les routes et les ponts principaux reliant le Liban à la Syrie ont été détruits et des voitures de civils sont constamment pilonnées. Le dernier bateau canadien a évacué des ressortissants canadiens la semaine passée. Il reste 30 000 autres Canadiens au moins au Liban. C'est très difficile donc de dire si on veut être évacué ou pas... Pour des questions de sécurité, et parce qu'on ne peut pas encore laisser nos parents, pas dans ce chaos... Mais si ça tarde plus de deux semaines encore, nous devons sérieusement penser à partir, ne serait-ce que momentanément.


> Désires-tu faire ta vie au Liban ou au Québec?
Entre les deux! C'est ce que nous essayions de faire Nicolas et moi. Nous sommes résidents du Québec, nous y travaillons et payons nos impôts. Et en même temps, nous essayons d'avoir un pied-à-terre au Liban. Citoyens de deux pays.


> Étais-tu en vacances ou y étais-tu pour vivre?
J'étais venue en mars pour poursuivre ma recherche postdoctorale, que je fais entre l'Université de Montréal et l'Université Saint-Joseph au Liban. Je travaille la question de la contribution des jeunes de 25-35 ans à la mémoire de la guerre, l'identité et la citoyenneté (reconstruction nationale). Nicolas m'avait rejoint en juin pour des vacances.


> Que fais-tu au Liban?
Pour le moment, je poursuis ma recherche en dépit de tout, je rédige des messages, des témoignages et des chroniques sur mon blog à propos de toute cette folie meurtrière, je suis rivée aux nouvelles toute la journée et toute la nuit, je tente autant que possible d'aider des réfugiés avec d'autres jeunes, et depuis ce matin, je pense plus sérieusement à faire nos valises pour nous déplacer pour un premier temps chez nos parents.


> Avec quel membre de ta famille es-tu?
Avec mon mari, Nicolas.


> As-tu des enfants?
Non, et heureusement pour le moment. Je ne veux pas qu'ils vivent ce que nous vivons depuis que nous sommes nés (je n'ai pas connu ce que certains veulent dire par la « paix »... En guerre continue, entrecoupée de cessez-le-feu et de statut quo. Même à Montréal, la guerre rattrape et ne lâche pas prise. En matière de guerre, il n'y a pas de frontières géographiques).

> Y'a-t-il des membres de ta famille dont tu es sans nouvelles?
Pour le moment, non! Avant, si. Les cousins de mon mari vivaient à Yaroun, un village situé à la frontière avec Israël et qui a été complètement rasé. Nous n'avions pas de leurs nouvelles pour plusieurs jours. Heureusement qu'ils ont pu fuir pour Beyrouth avant que le massacre n'ait lieu (ah oui! Il n'y a pas que celui de Cana! Il y en a plein d'autres sur tout le territoire libanais!).


> Quel est ton but en faisant ton blogue?
J'avais construit mon blog en mars pour partager mon expérience de la guerre, mes études et publications et mes travaux au niveau du dialogue interreligieux et interculturel.
Depuis le 12 juillet, c'est une lutte que je mène contre la guerre continue, ses faiseurs et cette folie meurtrière. C'est une lutte encore plus intense pour la paix, le dialogue, la solidarité humaine. C'est un témoignage d'une vie empreinte par la guerre, mais aussi par la convivialité et ce que cette dernière peut faire comme miracles. En dépit de tout, j'ai encore l'espoir d'un meilleur lendemain, et du moins, d'un lendemain où l'on pourrait vivre tranquillement dans notre maison, sur notre terre, en toute dignité et liberté.


> Quel âge as-tu (environ)?
29 ans

> Combien de temps as-tu vécu à Montréal?
8 ans

> As-tu de la famille au Québec ou au Canada?
Oui une tante maternelle, Aïda (à Montréal) qui y vit depuis plus de 30 ans.
Nicolas a une tante paternelle (Salma) et sa famille à Montréal qui y vivent depuis près de 30 ans.
Et des amis-es!

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonjour Sandra,

Merci mille fois pour cette publication ! Ton retour de vacances est empreint d'une générosoté exemplaire. Je t'en serai toujours reconnaissant !

Quant à moi par rapport à cette sordide guerre, je viens de transmettre une nouvelle lettre à monsieur Stéphane Dion, député fédéral libéral et ancien ministre de l'Environnement. À ce dernier titre, c'est lui qui a présidé le « Somment de Montréal sur l'Environnement ».

Par souci d'élégance, mais surtout de probité, je ne publierai cette lettre que demain, en même temps que j'enverrai les quelque 250 copies aux différents députés et ministres du Canada, sans oublier, bien sûr, le nouveau caporal de l'armée américaine, l'Honorable « si t'es fin, Harper »...

Ce n'est donc pas encore demain que j'userai mon matelas. Je lui fais d'ailleurs faux bond depuis mercredi midi. À chaque fois où ma journée s'étend sur plus de deux levers de soleil, je ne ressens plus aucune fatigue. Je t'ai déjà dit que je suis un boulimique de l'insomnie, qui en jouit plutôt que de réveiller ceux qui dorment pour me plaindre. Mes familles maternelle et paternelle l'étaient, à une ou deux exceptions près. Ces deux exceptions sont décédées aux abords du centenaire, tout en ayant effectivement vécu une dizaine d'années, le reste ayant été dépensé à dormir, raconter leurs rêves, siester, s'étendre...sur le dos ou sur le sujet...jamais sur la corde à linge, par contre.

Sandra, encore merci.
Mes salutations à tes deux amours, celui qui marche, l'autre qui roule.

Bonne fin de semaine,

André.

Dr. Pamela Chrabieh a dit...

Sandra,
merci...

Pamela
Nomade 'forcée', tout comme quelques millions de Libanais-es

Anonyme a dit...

Merci pour la découverte de ce blogue, je viens de l'ajouter à mes signets. On ne souhaite à personne de vivre un tel drame de l'intérieur, mais quelle façon (via le blogue) de découvrir cette triste réalité. Courageuse Pamela.

Parenthèse, j'ai eu une pensée pour toi en entendant la mésaventure d'un camionneur beauceron battu en Ontario. Il semblerait qu'il ne soit malheureusement pas la seule victime de ces malfaiteurs. Sois prudente!

camionneuse a dit...

André,

Va faire dodo, et plein de beaux rêves.

Pamela,

Bon courage à toi et ta famille.

Épicure,

Bienvenu à bord! Je vais être en effet très prudente et je ne m'arrêterai pas à Newtonville.

On repart cette semaine.

À bientôt

Sandra