01 février 2009

Marcher dans la sécheresse, ou la sécheresse du marché

Brawley, Californie. 29 janvier 2009

J’ai marché sur un chemin de terre aride extra sec le long d’un champ de luzerne, j’ai rencontré une pépinière à l’abandon.
Au loin, un pickup Ford blanc vient lentement vers moi soulevant la poussière. Il ouvre sa fenêtre sans arrogance dans l’attitude, avec un air plutôt sympathique. Son sourire immaculé resplendit et ses yeux bleus brillent autant que le soleil. Il porte ses cheveux gris très courts, ce qui lui donne l’allure de sortir de l’armée. Je suis l’intruse sur son sol alors je m’exprime en premier : — « Je suis camionneuse, j’attends des brocolis pour m’en retourner au Canada » et je lui pointe la direction de mon camion qu’on distingue à peine derrière moi, à l’entrepôt réfrigéré, le voisin d’à côté.
Il m’explique qu’il a fermé sa pépinière depuis un an et qu’elle est à vendre, mais elle ne trouve pas preneur. Il a peut-être vu en moi l’espoir d’une acheteuse d’où cet air sympathique. Il me dit en riant qu’il se cherche un vrai emploi, sans pudeur, sans blessure à l’estime de soi. Tout s’en est allé au Mexique qu’il me dit, le salaire minimum a trop augmenté et ça coutait trop cher d’embaucher.


Ce gars vient de m’avouer candidement qu’il est au bord de la faillite et il a toujours l’air de ne pas s’en faire avec la vie, il respire la confiance en lui au volant de son Ford. J’ai souvent été fascinée de ce trait culturel constaté chez pas mal d’Américains : cette confiance inébranlable en leurs propres moyens, ce détachement face aux difficultés, tout le contraire de l’apitoiement. Compter sur soi en premier, pas sur l’État. Accepter comme une loi de la nature, la loi de la jungle sauvage du marché.


Je constate les ruines de ce que furent jadis ses serres prospères, tout est laissé en friche. Des palmiers en pot agonisent et pour certains il est déjà trop tard. Quelques plantes indigènes plantées à même le sol survivront et se reproduiront à même les ruines. La loi de la nature demeure tout de même plus forte que celle du
marché.

Je l’ai laissé en lui souhaitant bonne chance.
Tellement.

La désolation s’est installée dans ce coin de Brawley, avec, à quelques kilomètres, le plus beau Wal-Mart « architectural » jamais vu. Il est ouvert 24heures, et entre autres, il vend des plantes et des fleurs. Mais de là à faire un lien de cause à effet… Lui, ne semble jamais l’avoir fait.

6 commentaires:

Anonyme a dit...

Super-billet. J'adore quand tu t'approches des gens! ;-)

Narvik a dit...

Salut! J'aime bien lire tes textes parce que c'est comme en direct dans un voyage, c'est l'fun de voir comment tu aimes les gens ,tu est bonne avec eux autres. Je suis sur que le gars de la pépinière comprend ce que je veux dire :-)

Aussi j'espère bien que tu vas pas manquer le premier Mercredi ,parce que depuis le dernier j'ai toi comme nouvelle amie et je suis bien contant. Passe un bon Dimanche et j'ai déja hâte au prochain billet que je lirais ici.

camionneuse a dit...

Mj, si je pouvais en rencontrer plus aussi, mais je suis trop souvent sur internet...

Narvik, c'est sûr que je vais le rater..., je serai en route pour le Canada, mais beaucoup trop loin pour fair un saut au Yulblog. Le mois prochain aussi... Peut-être en avril alors. :c(

Anonyme a dit...

Tu n'es pas amricaine ?

Anonyme a dit...

Pas facile de ce temps là... Tout ralentit, les gens s'occupent du nécessaire et on délaisse le surplus de côté. Je présume qu'une pépinière c'est tout de même un 'extra' en temps de récession... Mais comme après toute récession, ça va rebondir, faut tenir le coup!
Est-ce que tu as eu le temps de remarquer s'il y avait beaucoup de commerces 'barricadés' durant ton voyage?

camionneuse a dit...

Marie-Hèlène, je ne suis pas Américaine dans le sens États-Unien du terme, je suis Canadienne du Québec, les différences culturelles sont énormes, mais quand on voyage ailleurs dans le monde, surtout en Europe on sent bien notre côté Nord-Américain.

Rachelle, je n'ai pas remarqué pour les commerce, il faut dire que je circule surtout sur les autoroutes. Il n'y a que les gros qui survivent, les petits tombes, c'est plus difficile.