La veille, les chevaux de Fuego se sont arrêtés pour écouter ceux de l’écurie et c’est sous une couverture d’étoiles que le silence est venu endormir les deux seules âmes humaines à rester sur la ferme.
Ce matin, quand je tire les rideaux, un brouillard matinal recouvre les lieux d’un voile flottant, le soleil se lève à peine, mais le jour m’appelle pour en profiter.
Je sors du camion en m’étirant et en respirant à pleins poumons et je pars faire le tour du propriétaire. Ça me change de marcher crispée, entre les mastodontes grondants m’observant de leurs yeux menaçants. C’est immense! En fait, ça me prend deux heures à pied pour faire le périmètre du domaine. Je comprends pourquoi les employés se déplacent en voiturettes ou en véhicule d’un endroit à l’autre, ils ne pourraient jamais faire leur travail si non, à moins de monter un cheval. Bientôt, on tiendra une compétition équestre et on s’affaire à préparer les lieux à recevoir des centaines de chevaux venus des 4 coins de l’État.
Une camionnette arrive en trombe, les chevaux hennissent de joie. Une jeune fille dynamique descend en leur parlant joyeusement, ils piaffent d’impatience dans leur stèle. Je souris devant le spectacle qui me donne envie d’aller à leur rencontre.
Quand elle m’a saluée chaleureusement, jamais je n’aurai pu me douter qu’elle n’était pas de l’endroit, tellement elle avait la chaleur géorgienne inscrite en elle. Mais à se mettre à converser, sous le regard attentif de l’attroupement à crinière, on a vite constaté nos accents respectifs.
Dani a été élevée dans la montagne pas loin de Munich. Il y a six ans, elle est tombée amoureuse d’un Américain en service sur une base de l’Allemagne. L’amour les a fait se marier. Son histoire l’a amenée ici, près de Colombus et de la base militaire de Fort Benning. Les vingt chevaux dont elle a la garde la rendent radieuse, ses yeux brillent de passion et elle rayonne comme une Heidi en Géorgie. Pourtant, elle devra tout abandonner dans quelques semaines, pour suivre son époux appelé pour l’entrainement sur une base du Texas. Elle ne parait pas troublée pour autant, elle savait dès le départ dans quelle aventure elle s’embarquait. Bien au contraire, elle me fait part de son emballement : il y a des chevaux au Texas, et la famille de son mari s’y trouve. Ils sont en quelque sorte devenus la sienne, parce qu’elle a tout laissé derrière elle en Allemagne pour vivre avec son amoureux. Elle semble avoir pris racine en terre américaine. Elle m’a parlé de son pays où tout y était régulé au quart de tour et où les habitants sont très disciplinés, c’est l’unique chose qu’elle a trouvée à redire des Américains : ils manquent de discipline. J’ai compris pourquoi elle avait été séduite par un militaire. Dani est toujours enthousiaste à l’idée de découvrir d’autres lieux, d’autres avenues, d’autres paysages. Mais le Texas ne constitue qu’une étape d’un an dans la carrière de son époux, après, elle ne pourra pas le suivre, il partira à la guerre.
À trente ans, elle dit qu’elle a encore le temps pour les enfants. En fait, elle veut attendre qu’il revienne. Un nuage d’appréhensions passe sur son visage. Elle redoute le moment où il devra partir, elle a peur de ne jamais le revoir. Les travaux de la ferme l’ont endurcie, elle a en réserve des montagnes de force, mais elle préfère ne pas élever des enfants sans savoir s’ils pourront un jour serrer dans leurs bras autre chose que l’image en carton grandeur nature de leur père fournit par l’armée.
Hier, j’ai bu un café en ville à Colombus. J’ai constaté que l’habit militaire de camouflage — version « imprimés du désert » — fait prestigieux. Il signifie l’appartenance à la base de Fort Benning où des milliers de militaires s’entrainent à la guerre, pour servir un pays qui dit ne pas en vouloir. Ici, ces hommes et ces rares femmes sont respectés de tous, ils font vivre leur famille, mais ils savent qu’ils peuvent être déplacés à tout moment. J’y ai vu un très jeune engagé en uniforme, il devait avoir à peine 18 ans, ses parents l’accompagnaient avec ses petites soeurs, comme s’il était venu le reconduire à l’université pour quelques mois, sauf que c’est à l’armée qu’ils le laisseront. Peut-être était-ce le dernier café qu’ils ont pris ensemble avant longtemps.
Il y a plusieurs facettes à la guerre. Je viens d’en voir quelques-unes, ici, près de Fort Benning. Même très loin, la guerre finit par nous rattraper.
Ce matin, quand je tire les rideaux, un brouillard matinal recouvre les lieux d’un voile flottant, le soleil se lève à peine, mais le jour m’appelle pour en profiter.
Je sors du camion en m’étirant et en respirant à pleins poumons et je pars faire le tour du propriétaire. Ça me change de marcher crispée, entre les mastodontes grondants m’observant de leurs yeux menaçants. C’est immense! En fait, ça me prend deux heures à pied pour faire le périmètre du domaine. Je comprends pourquoi les employés se déplacent en voiturettes ou en véhicule d’un endroit à l’autre, ils ne pourraient jamais faire leur travail si non, à moins de monter un cheval. Bientôt, on tiendra une compétition équestre et on s’affaire à préparer les lieux à recevoir des centaines de chevaux venus des 4 coins de l’État.
Une camionnette arrive en trombe, les chevaux hennissent de joie. Une jeune fille dynamique descend en leur parlant joyeusement, ils piaffent d’impatience dans leur stèle. Je souris devant le spectacle qui me donne envie d’aller à leur rencontre.
Quand elle m’a saluée chaleureusement, jamais je n’aurai pu me douter qu’elle n’était pas de l’endroit, tellement elle avait la chaleur géorgienne inscrite en elle. Mais à se mettre à converser, sous le regard attentif de l’attroupement à crinière, on a vite constaté nos accents respectifs.
Dani a été élevée dans la montagne pas loin de Munich. Il y a six ans, elle est tombée amoureuse d’un Américain en service sur une base de l’Allemagne. L’amour les a fait se marier. Son histoire l’a amenée ici, près de Colombus et de la base militaire de Fort Benning. Les vingt chevaux dont elle a la garde la rendent radieuse, ses yeux brillent de passion et elle rayonne comme une Heidi en Géorgie. Pourtant, elle devra tout abandonner dans quelques semaines, pour suivre son époux appelé pour l’entrainement sur une base du Texas. Elle ne parait pas troublée pour autant, elle savait dès le départ dans quelle aventure elle s’embarquait. Bien au contraire, elle me fait part de son emballement : il y a des chevaux au Texas, et la famille de son mari s’y trouve. Ils sont en quelque sorte devenus la sienne, parce qu’elle a tout laissé derrière elle en Allemagne pour vivre avec son amoureux. Elle semble avoir pris racine en terre américaine. Elle m’a parlé de son pays où tout y était régulé au quart de tour et où les habitants sont très disciplinés, c’est l’unique chose qu’elle a trouvée à redire des Américains : ils manquent de discipline. J’ai compris pourquoi elle avait été séduite par un militaire. Dani est toujours enthousiaste à l’idée de découvrir d’autres lieux, d’autres avenues, d’autres paysages. Mais le Texas ne constitue qu’une étape d’un an dans la carrière de son époux, après, elle ne pourra pas le suivre, il partira à la guerre.
À trente ans, elle dit qu’elle a encore le temps pour les enfants. En fait, elle veut attendre qu’il revienne. Un nuage d’appréhensions passe sur son visage. Elle redoute le moment où il devra partir, elle a peur de ne jamais le revoir. Les travaux de la ferme l’ont endurcie, elle a en réserve des montagnes de force, mais elle préfère ne pas élever des enfants sans savoir s’ils pourront un jour serrer dans leurs bras autre chose que l’image en carton grandeur nature de leur père fournit par l’armée.
Hier, j’ai bu un café en ville à Colombus. J’ai constaté que l’habit militaire de camouflage — version « imprimés du désert » — fait prestigieux. Il signifie l’appartenance à la base de Fort Benning où des milliers de militaires s’entrainent à la guerre, pour servir un pays qui dit ne pas en vouloir. Ici, ces hommes et ces rares femmes sont respectés de tous, ils font vivre leur famille, mais ils savent qu’ils peuvent être déplacés à tout moment. J’y ai vu un très jeune engagé en uniforme, il devait avoir à peine 18 ans, ses parents l’accompagnaient avec ses petites soeurs, comme s’il était venu le reconduire à l’université pour quelques mois, sauf que c’est à l’armée qu’ils le laisseront. Peut-être était-ce le dernier café qu’ils ont pris ensemble avant longtemps.
Il y a plusieurs facettes à la guerre. Je viens d’en voir quelques-unes, ici, près de Fort Benning. Même très loin, la guerre finit par nous rattraper.
11 commentaires:
Ah! Tu nous donnes vraiment le goût de voir des photos de tout ça...
En quelques paragraphes bien ficelés, Sandra nous a concocté toute une kyrielle d'ambiances bucoliques, oui, mais aussi d'émotions tant en profondeur qu'à fleur de peau... Merci, Sandra!...
Moi j'ai imaginée tout le scénario en noir et blanc . J'ai lu et je m'imaginais dans les années 1940 lors des premières guerres.Cette belle blonde qui laisse partir son amour a la guerre loin d'elle sans savoir si il reviendra un jour c'est digne d'un scénario de film , j'ai l'impression d'avoir deja vu ca quelque part!! le romantisme est a l'honneur .
Quelle fraîcheur, tu nous changes les idées... merci!
Je te lis pour la première fois ce matin et je suis prise par ton récit. J'imagine moi aussi un film ou un roman... Tu as le don de faire voyager l'imagination. Certainement que tu seras dans mes ''favoris''.Sois prudente sur la route. Mamali.
J'espere bien me rendre dans le sud, déjà on pouvait voir une différence de temperature et j'étais seulement à Rochester NY, La nature se réveille tranquillement, des torrent d'eau dans les ruisseaux et les fossés, à que j'ai hâte que le vert reprenne sa place dans la balance. Pour l'instant je me laisse réchauffer par tes aventures....merci
C'est tout simplement incroyable la façon que tu peux décrire tes périples. Ta plume nous fais sentir comme si nous étions avec toi assis dans le ''bed'' de Fuego. J'adore te lire, continue à nous décrire les merveilles de l'amérique!
A voir le lot d'expériences que le camionnage te fait vivre, ça me fait penser que j'ai bien fait de faire écrire sur la pierre tombale à papa qui était lui aussi camionneur: Une vie bien remplie, un repos bien mérité. Il avait lui aussi la tête remplie de ses voyages .
Bonjour!
C'est ma première visite sur ton blogue.
Wow! C'est vraiment inspirant et intéressnt tout ce que tu écris.
J'adore.
Je vais revenir te rendre visite, c'est certain!
Merci de m'avoir fait voyager.
Magnifique cette photo en gros plan du cheval! Et quel oeil!... Fixez cet oeil un bon moment et essayez après ça de dire que les animaux sont... disons... bêtes!... Nous connaissons tous de nombreux humains plus bêtes que les bêtes!...
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