16 août 2006

Un lever dans la plaine.

Contexte : le lendemain du départ de Laredo, je commence ma journée sur la route 287 nord-ouest au Colorado dans le noir. Je roule sur l'autoroute 70 Est dans le Colorado alors que le soleil se lève.

À 7 heures quarante-neuf, le soleil n'est pas encore tout à fait levé que déjà les vaches broutent dans la plaine. Dans le ciel existe un tableau qui se transforme à l'infini, le bleu nuit fait lentement place aux nuances de bleu gris. Dans les ombres bleutés du sol, deux chevreuils courent à vive allure à mes côtés et quand j'atteins leur hauteur, ils s'arrêtent net comme pour me saluer. À un arrêt routier, des camions ronflent toujours, il faut dire qu'ici, les 6 heures n'ont pas encore sonné. Les tournesols dorment la tête penchée, ils attendent que leur mère de lumière se lève pour la suivre toute la journée comme une couvée de canetons. Une voilière d'oiseau entreprend son réchauffement au-dessus de ma route, la boule de feu se montre enfin pour m'accompagner. Un spectre rouge rosit un nuage et le jaune réchauffe le paysage. Le soleil s'installe à l'élévation parfaite : celle où il fait apparaître les délicats détails sculptés comme des dentelles dans les moutons allongés, celle où les peintures du ciel prennent une troisième dimension. En contrebas, quelques touches de vert dans les champs s'ajoutent à la toile. Les arbres ne sont plus des ombres dans la pénombre et reprennent vie en s'habillant de leurs couleurs du jour. Je rattrape un train rampant dans la plaine. Une voiture du Colorado me dépasse, la première depuis des heures. Un paysage de montagnes est dessiné sur sa plaque d'immatriculation et c'est à cet instant précis, en relevant les yeux, que j'aperçois en réel, ce même tableau à l'horizon: le profil des Rocheuses découpe le ciel. Doucement, tout s'illumine. J'aime la lumière du matin, surtout quand le soleil éclaire dans mon dos pour resplendir mon chemin. Un aigle me défie du regard, perché sur un poteau, sa tête piste ma trajectoire, mais je m'en fou de piler sur son territoire, la terre m'appartient dans mon camion. La blancheur des sommets d'arrière-plan se confond avec les nuages. Au pied des montagnes sied Denver qui annonce la fin des plaines. Ses dizaines des gratte-ciel paraissent minuscules dans leur décor grandiose. Sur l'autoroute 25, je mets le cap vers le nord. La route raboteuse semble s’aligner sur les pics des montagnes Rocheuses. À mesure que je monte le faux plat, le relief a l'air plus bas. Jusqu'en Alberta, nous naviguerons sur le premier pli des Rocheuses sans jamais atteindre leurs sommets, en suivant les traces des troupeaux de bisons disparus, mais aujourd'hui, c'est moi qui gronde dans les valons avec mon mastodonte. Je m'émerveille à nouveau devant les spectacles qui défilent. Je redécouvre mon métier. Ceux qui le méprisent n'en connaissent rien, qu'ils retournent à leur bureau, moi je garde le mien! Posted by Picasa

11 commentaires:

Anonyme a dit...

Sandra,

Quel beau texte, Sandra. Vraiment beau ! Tu nous annonces là de belles et fort agréables lectures.

Bonne soirée,

André.

Anonyme a dit...

ca laisse rêveur ...

Anonyme a dit...

Ah le beau bureau roulant qu'est le tien.

Anonyme a dit...

puis-je encore soumettre un pour votre camion...

Le bourlingueur

louis-martin

Anonyme a dit...

Sandra,

As-tu pensé à la procédure du vote? Tu vas me trouver fatiguant avec ce vote, mais c'est ça la démocratie. Puis, étant donné que je veux voter pour un des noms que j'ai proposés, ça me gêne un peu de voter publiquement...

Enfin, qu'est-ce que je ne ferais pas pour recevoir un cadeau de toi!

On est bien dans « notre » nouveau camion....confortable à part ça. Je ne m'ennuie presque plus de l'ancien...mais, puisqu'il ne le sait pas, ce n'est pas bien grave.

À plus tard ,

André.

sally a dit...

Très très beau texte, Sandra. Merci.

Anonyme a dit...

Maintenant, c'est moi qui te lis sans faute! Merci Sandra

Pur bonheur a dit...

Très beau texte Sandra! Mon père trippait autant que toi mais ne l'exprimait pas aussi bien malheureusement. Mais on sentait que malgré la fatigue de ses voyages il en avait eu plein la vue. Bravo continue!

Anonyme a dit...

Ouah... Ça me donne envie de prendre la route, moi aussi.

Un très beau texte.

Anonyme a dit...

Merci beaucoup pour ton blog ça fait un petit moment que je te suis alors un petit mot pour ton souhaiter une bonne route à toi et ton nouveau camion
( et elvis pour ton camion? )

Grand Manitou a dit...

Beau texte, Sandra, bravo encore.

Effectivement, la route empruntée est assurément une des plus belles dans ce coin de pays...