26 janvier 2006

L’Amérique est une ville.


Le long des autoroutes, nous nous côtoyons. Au gré du vent, notre communauté est disséminée dans la vaste ville de l’Amérique. Nous faisons connaissance pour la première fois devant un pâle café au restaurant ou au puits de ravitaillement, en attendant chez un client ou au terminal quand l’un arrive et que l’autre part. Le destin crée les prochaines rencontres. Ou pas. Parfois un mois plus tard, parfois trois ans, parfois jamais. Toutes ces connaissances nous rassurent. L’Amérique se transforme en une ville. Nous la cantonnons. Ses routes nous deviennent aussi familières que notre quartier. Comme des habitués, nous en sillonnons les rues, les commerces et les cafés que nous connaissons par cœur. C’est l’apanage des camionneurs.

À des milliers de kilomètres de notre port d’attache, nous sommes contents de nous croiser, comme si l’on se rencontrait à la boulangerie du quartier ou au supermarché. On se serre la main, on se tape sur l’épaule, on se fait une blague. Nous partageons nos nouvelles, nous alimentons les rumeurs qui se répandent comme la grippe dans toute l’Amérique.

La communauté est restreinte, mais dans chaque courbe, sur notre chemin, nous trouvons une connaissance.

À Dallas au Texas, en ligne pour le ravitaillement, Gaston se plaint, pour la forme, d’avoir attendu deux jours à Laredo à 22oC au mois de janvier, mais son sourire respire la sérénité.

À Texarkana en Arkansas, le temps d’un café, André me raconte ses déboires de la semaine, se plaignant qu’il ne roule pas assez, mais son langage corporel transpire la fierté de faire son métier.

À Wichita au Texas, Bob, un Ontarien, me parle de politique canadienne. Par anticipation, il a voté libéral. En abaissant le menton pour me regarder par-dessus ses lunettes, il me demande ce que je pense de notre nouveau Premier ministre, avec un petit sourire en coin. Il veut taquiner la Québécoise que je suis, sachant que peu de francophones ont voté pour les bleus.

À Lawton en Oklahoma, Hugo me dit les seuls mots de français que je lui ai appris : oui ! oui !, son fou rire dévoilant ses dents blanches contrastantes sur sa peau café au lait. La route se lit sur les sillons de son visage.

À Détroit dans le Michigan, nous tombons sur Joe, un jeune chauffeur de qui nous n’avions pas eu de nouvelles depuis trois ans. Nous l’abreuvons d’informations fraîches. Elles confirment les échos qu’il avait obtenus. Il nous annonce qu’il a changé de compagnie et lance fièrement qu’il a fait un deuxième enfant. Dans ses yeux bleus et dans sa voix, je sens que ses petits lui manquent.

À Windsor en Ontario, nous apercevons John, heureux propriétaire de son camion rouge rutilant, qui lui est fidèle depuis six ans. Nous montrant sa bague dorée, il nous présente sa nouvelle fiancée, fier comme un paon, des étoiles dans les yeux. Il file le bonheur sur la route avec sa dulcinée.

Au terminal à Coteau-du-lac au Québec, tandis que Mireille et Jean-François partent pour le Sud, nous rentrons.

Fait du feu dans la cheminée je reviens chez nous (Jean-Pierre Ferland). Avec des images et des personnages plein la tête. J’irai dans les cafés et les marchés entendre la rumeur de mon village : Montréal.

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonjour Sandra,
Tout d’adord suite à mes commentaires à ta chronique du 16 janvier, je veux te remettre le Z manquant au nom de Marie-France, mea-culpa.
Tu reviens “avec des images et des personnages plein la tête” et tu m’en rappelles pleins d’autres.
Un Retour vers le Futur sans Michael Fox ni d’une De Lorean en stainless brossé.

- Dallas : La maison du ranch de la série près de Richardson si elle existe encore, ouash!!!
Les intérieurs étaient tournés dans une ‘Mansion - downtown Dallas’, arrangé avec le gars des vues. Les subterfuges des ‘Dry Counties’, les Drive-In Liquor Stores, les fusils et carabines en évidence derrière les camionettes. Mais tout n’est pas morose au Texas si vous faites abstraction des références à la religion et aux armes. L’accueuil ( c’est presque québécois ), les paysages quand on ne regarde pas les pompes à pétrole, les restos avec steak mesquite ( tros gros mais...), les bars où on te coupe un bout de cravate au noeud pour l’épingler sur les murs avec ta carte d’affaire afin que tu ne détonnes pas et l’ambiance des planchers de danse de 2 step et 4 step.
- Texarkana : Au kioske touristique une divine blonde aux yeux bleus clairs, elle venait de l’Idaho, n’en déplaise à Mac-Do, les patates ne sont pas dans la course.
- Wichita : Le Jardin Botanique. Wichita Falls c’est pas Montmorency.
- Lawton : À quelques milles à l’ouest de là il y a une petite ville qui s’appelle Cache, je l’ai trouvée.
- Détroit/Windor : Les ........ lignes.
- Côteau-du-Lac/Landing : Première de ski nautique, glou, glou, glou!

Je rembarque avec vous.
À bientôt

camionneuse a dit...

Alors B.B.? Tu ne réponds pas à tes courriels?

L'as-tu reçu?

Je te suis partout moi aussi

Sandra