Je suis présentement à Matthews dans le Missouri. Il fait un soleil radieux, un chauffeur promène son chien, j’ai les fenêtres ouvertes (na na na na nan!) Le Mississipi était splendide vu du pont se matin. Le soleil y miroitait, une barge poussait ses cargaisons. Je prends quelques minutes pour vous poster ce message.
Samedi soir, nous avons décidé de dormir au chalet roulant, histoire de se reposer pleinement avant le grand départ. Ainsi, dimanche au réveil, nous serons déjà prêts à partir très tôt. Nous avons fait le plein de nourriture à l’épicerie et pour la lecture, un saut à la librairie Champigny ouverte jusqu'à 22 heures tous les soirs. Nous parcourons les 75 kilomètres qui nous séparent du terminal, je lis la Presse avec ma lampe frontale, mon chapeau de paille molle à large bord calé sur la tête. Sachez que si l’on ne voit pas la route, on n’a pas mal au cœur quand on lit. Ça vous servira peut-être la prochaine fois que vous prendrez le chemin. C’est très utile à savoir quand on parcourt 10 000 kilomètres par semaine. Je ne pourrais pas me priver de lecture pour un mal de cœur. Et le confinement de notre cellule nous permet de lire plusieurs heures par semaine.
Au terminal, tandis que j’attends dans la voiture, Richard prend quelques minutes à pied pour faire le tour de la cour et trouver notre camion. Les mécaniciens l’ont pris pour un entretien préventif et ils ne l’ont pas remis au même endroit. C’est qu’il n’est pas facile de chercher un camion rouge parmi ses confrères identiques. Seul son numéro le différencie de ses pairs. Sa personnalité réside en son intérieur que nous avons aménagé. Richard le repère assez vite pendant que je l’attends dans la voiture pour transférer nos affaires.
Depuis maintenant près de six ans avec CAT, nous avons eu cinq camions flambants neufs, avec les plastiques sur les sièges et les matelas. Chaque fois, il y a des améliorations sur les équipements de bord. Maintenant, la compagnie nous fournit : un CB (radio permettant de communiquer entre camions lorsque ceux-ci sont à une distance de moins de 3 km environ), un mini réfrigérateur avec congélateur, les vitres et les miroirs à commande électrique (très pratique, quand on est deux chauffeurs aux gabarits différents qui changent quatre fois par jour). Bien entendu, les deux sièges à air sont entièrement ajustables, de même que le volant. Sans compter un moteur de 450 chevaux vapeurs, mieux adapté pour le type de transport que l’on fait et qui garde une vitesse plus constante avec un chargement lourd. Une suspension plus douce et plus absorbante, une isolation accrue qui diminue les bruits extérieurs, très pratique quand on dort en roulant. Des outils de pointes compris dans un tableau de bord digne des cabines de pilotage d’avion de ligne. Une génératrice qui, en soi, est un moteur diesel fournissant l’électricité pour nos appareils ménagers, et chaleur ou fraîcheur lorsque l’on habite le camion sans faire rouler le moteur. Le travail est de plus en plus agréable dans ces conditions de plus en plus favorables.
Un autre chauffeur est en train de charger son camion de ses effets personnels. Il y a une trentaine de camions en attente de rouler, signe qu’autant de chauffeurs sont en congé.
L’expression métro-boulot-dodo prend un tout autre sens dans notre cas. Nous faisons les trois au même endroit ! En fait, la cabine du camion, qu’on dit compartiment-couchette, est bien plus qu’une couchette. Elle sert de cuisine, de salon, de bureau, de cinéma, de bibliothèque, de garde-robe, de garage, de chambre, et même de toilette. C’est aussi une salle de loisir pour lire, regarder la télé ou clapoter sur l’ordinateur. Elle est notre résidence ultra mobile et nous ne la quittons que pour rentrer chez nous. À mon avis, c’est plus confortable qu’une chambre d’hôtel, en tout cas, plus personnel. Tout notre équipement y reste en permanence pour une plus grande facilité d’installation. Tout y est à portée de main, littéralement. Assise sur mon lit, j’ouvre le réfrigérateur, je place mon repas dans le four à micro-onde au-dessus de ma tête, j’ouvre un tiroir, je fais griller mon pain, j’allume la télé, je mets un film, je me retourne et choisi un livre dans la bibliothèque, j’allonge mon bras, je prends une nouvelle chemise dans la garde-robe. La cabine nous permet d’être debout sans toucher au plafond et couché sans toucher au mur. Elle est large comme un lit et haute comme un homme de taille moyenne.
Richard me passe tous nos effets personnels sur le siège du passager, je les place dans le camion. Je me sens comme dans un congélateur, ma bouche fait de la fumée. Tout est gelé, le bidon d’eau est un bloc de glace, le reste de café est une sloche, les conserves en boîtes sont givrées. Je garde mes bottes Sorel, mon chapeau, ma canne et mon foulard comme le bonhomme hiver, pour tout placer le temps que ça réchauffe au ronronnement de la génératrice. Le rituel de l’appropriation de l’espace me prend une demi-heure à chaque départ. Nourriture, vêtements, livres, musiques sont placés dans leur petit compartiment pour nous donner un peu de confort et l’impression d’être chez nous. Une seule personne peut placer les choses : à deux, on se pile sur les pieds. Pour cette raison, lui s’occupe de la technique concernant le camion, et moi, je suis la préposée au confort intérieur. Nous ne nous parlons pas, nous savons ce que nous avons à faire sans avoir à prononcer une parole. Depuis six ans nous répétons les mêmes gestes, la communication verbale est inutile.
Je place soigneusement les repas congelés du côté anglais. En dégelant, c’est du côté français qu’ils coulent puisque l’assiette à l’intérieur est toujours placée du côté anglais. J’ai remarqué ça une fois en ramassant les dégâts… C’est quasiment discriminatoire! Le mini-réfrigéraeur peut contenir de quoi tenir pour 3 ou 4 jours à deux chauffeurs. Nous devrons nous arrêter au moment opportun pour refaire le plein de denrées. Sauf rares exeptions, manger dans un restaurant sur la route ne nous procure aucun plaisir, nous considérons que c’est une perte de temps. Nous préférons nous arrêter à l’épicerie pour acheter de quoi se nourrir et ainsi mieux contrôler ce que nous mangeons. On fait tout en roulant : manger, dormir, lire, écouter de la musique ou la télé. Les arrêts sont soigneusement étudiés pour les douches et le sommeil.
J’entends Richard placer les outils dans le coffre sous le lit accessible de l’extérieur.
Je place les livres dans les compartiments du mur au fond qui sert de bibliothèque. Les derniers numéros de Châtelaine, l’actualité et Elle Québec vont nous permettre de rester connectés à la réalité de chez nous. Tandis que mon Bescherelle des verbes anglais et mon dictionnaire Password reste en permanence dans le camion, j’apporte toujours un ou deux romans. Cette fois, c’est le roman du Danois Peter Høeg, « Smila et l’amour de la neige » qui me tiraillera entre le goût de vous écrire et l’envie irrésitible de le terminer. L’Ange et le Monstre de Jean Barbe sont aussi du voyage.
Richard s’installe au volant et nous transporte près du bureau. Mes tâches se compliquent en roulant dans un stationnement de gravier. Je me tiens sur les poignées que je peux attraper pour ne pas tomber tout en continuant de placer des vêtements.
Au bureau, payes, permis, messages spéciaux nous sont adressés. On prend des nouvelle de l’un, de l’autre. Ce soir, Michel est de garde, il gèrera la flotte de 475 camions pour la nuit, nous pouvons compter sur son aide. Nous en avons effectivement besoin. En inspectant minutieusement le camion qui sortait de son entretien préventif, on a constaté une fuite de carburant au niveau du filtre à fioul. Michel nous appelle une dépaneuse. Toute la beauté d’être simple employé versus propriétaire opérateur réside dans cette aide, nous n’avons pas le souci de faire les réparations mécaniques ou de les payer. Le problème est vite réglé les chauffeurs ont l’œil vif… Le mécanicien lui dit qu’il n’y a pas de fuite, mais mon compagnon insiste et va la lui montrer. L’homme dépanneur a l’air fou et il resserre le filtre qui venait d’être changé. Une erreur du garage de la compagnie suivi d’une erreur d’un mécanicien ambulant. 23 heures 15, nous sommes fins prêts à accrocher la remorque. Les événements des derniers jours m’ont épuisé, je tombe raide morte sur mon lit de camp pendant que mon compagnon fait la cueillette de la remorque.
Allez, je poursuis ma route…
Bonne Journée!
8 commentaires:
encore une fois de plus une lecture très intéressente... Si je peu faire un commnetaire peux-tu nous mettre quelques photos comme quand tu d'écrit si bien ton chalet... merci et bon voyage...
louis-martin
Merci Sandra, je vous vois beaucoup mieux! Pas de compliments au mécanicien... Heureusement que Richard veillait au grain.
Oups! j'oubliais : c'est quoi, le côté anglais, le côté français?
Les photos arrivent. Je n'ai pas de grand angle alors, c'est difficile de faire une belle photo dans un endroit aussi exigu. Peut-être à la fin du mois.
Et je garde un peu de mystère...
C'est vrai, il y a les constructeurs de camion qui pourrait me fournir une belle photo... C'est une idée
A+
Choubine:
Il y a des repas congelé que l'on achète et que d'un côté ils sont en français, de l'autre ils sont en anglais. Mais la barquette de plastique à l'intérieur de la boite y est insérée de sorte que le côté français est en dessous. C'est un détail anodin. Si tu n'as pas bien compris, c'est que j'ai mal expliqué... Pas grave j'aime ça quand tu me dis que tu n'as pas bien compris, ça me permet de m'améliorer. Et je ferai un saut plus long sur ton site dès que j'ai une minute, c'est à dire à la fin du mois!
Sandra
Ah! j'aurais dû comprendre à la première lecture. Pourtant j'en ai déjà vu, des emballages de repas congelés! Jamais, par contre, après que le produit avait dégelé... Avais-je fini mon café avant de te lire?
Oui j'avais remarqué à l'usage que l'anglais correspond toujours au coté pellicule des mets Stouffers en particulier mais ils se mondialisent. De nouvelles boites ont les deux langues du même côté et la pellicule est de ce coté. Peut-être une façon de se préparer s'ils ont un jour a écrire en Español. Toutes les langues du même côté! (ça ressemble à un set callé), la vie est ainsi faite de détails.
Bonne route!
Giorgio
IL y a des jours où je suis assez buse car malgré plus d'explications, j'ai du mal à me représenter les plats congélés côté anglais qui sont côté français une fois décongelés !!!
Peut-être un produit pu outre-atlantique.
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