Nous sommes à l’arrière-scène de la société de consommation. Nous vivons le libre-échange à chaque fois que l’on traverse les douanes. Pourtant croyez-vous que je dis : « Vive Brian Mulroney ! » à chaque fois ?
L’examen de conscience est permanent à mesure que je déroule l’asphalte. Je n’ai pas honte de polluer, c’est plutôt à l’envers que je vois les choses. Je ne roulerais pas si vous n’achetiez pas (vous m’incluant aussi). Au volant, il ne faut pas être dépressif, parce que le noir vient nous broyer l’esprit en moins de deux.
Les gens en ont souvent contre les poids lourds : ils sont gros, ils font peur, ils polluent. Des bêtes polluantes ambulantes ! Mais ils ne se rendent pas compte que nous sommes le sang de l’économie, que nous transportons tous leurs biens pour leur petit confort. Ils ne réalisent pas que tout ce qui se trouve autour d’eux a été trimballé dans une remorque tirée par un camion comme le nôtre. Sur quoi êtes-vous assis en ce moment ? Avec quoi me lisez-vous ? C’est l’un d’entre nous qui vous l’a apporté. Partant de cette prémisse allons un peu plus loin.
J’aimerais vous emmener dans les coulisses, suivez le guide.
Les quantités phénoménales de marchandises transportées chaque jour sont hallucinantes. La même sensation que de penser à l’infini, sauf que dans ce cas, l’infini a une fin, et c’est la fin de nos ressources qui se rapproche. Ce qui m’a le plus frappé, ce sont les usines de vaisselle jetable. Une abomination fumante ! Des empilages astronomiques, des centaines de camions remplis jusqu’au toit pour la distribuer dans tous les restos-minute, cafétéria et bureaux de travail. Et maintenant, les épiceries qui se mettent de la partie en emballant tous les fruits et légumes dans des contenants de polystyrène, non biodégradables, pour nous en vendre plus. Des millions de verres qui sont jetés après usage retourneront à la terre par d’autres moyens polluants.
C’est à la suite d’un transport de gobelets de styromousse que je les ai boycottés. J’ai repris la route avec un sentiment d’aberration, d’impuissance. Depuis, je traîne ma tasse dans tous les restos-minute et nous récupérons tout ! Même en camion. Voyez sur la photo. À la fin d’une semaine, à notre grand désespoir, nous vivons ensevelis sous la montagne de nos déchets recyclables, nous faisant prendre conscience encore plus de notre consommation. Parce qu’évidemment, sur le chemin, c’est impossible de repérer une seule poubelle de récupération dans toute l’Amérique (sauf en de rares endroits en Illinois). À notre retour, on fait un petit détour par le centre de recyclage pour calmer notre for intérieur et poursuivre avec le sentiment du devoir accompli.
Même ici, ce n’est guère mieux. Quelle ne fut pas notre surprise, quand nous sommes allés nous restaurer à la cafétéria du musée des Beaux-Arts de Montréal, et de n’y trouver que de la vaisselle jetable sans aucune possibilité de la recycler ! On a mangé avec un petit mal de cœur. (Un déluge de courriel, ça ferait peut-être changer les choses… avis aux intéressés)
Un jour, nous avons transporté du denim du Québec jusqu’à El Paso au Texas. Les documents du chargement indiquaient que le coton, tissé et teint à Drummondville, provenait du Mali à 75 % et des États-Unis à 25 %. Les rouleaux ont roulé avec nous pendant 3820 km jusqu’à El Paso. Par la suite, ils ont été expédiés dans les maquiladoras au Mexique pour le compte d’un détaillant connu. Les produits finis, cousus par des petites mains mexicaines, ont retraversé la frontière pour être distribués aux quatre coins de l’Amérique. Le pantalon bleu denim, que vous portez très souvent, a parcouru des dizaines de milliers de kilomètres polluant tout sur son passage. Peut-être en avez-vous un sur le dos en ce moment.
S’il te plaît ! Laure Waridel, viens à notre secours ! Est-ce que ça existe des vêtements équitables, fabriqués près de chez nous et qui n’ont pas voyagé des milliers de kilomètres avant de nous parvenir ? Je ne pense pas que l’on fera pousser du coton de si tôt au Québec. Dans ces conditions, faudra-t-il se remettre à l’habit traditionnel ? (Ce n’est pas tellement sexy une chemise de chasse et des caleçons de laine à grand manche avec la trappe à l’arrière). Alors « vive la fourrure recyclée libre » et au diable Brigitte Bardot !
7 commentaires:
Salut
Très bien expliqué. Je dis souvent que la moindre pinte de lait a besoin de 5 camions pour se rendre à notre table... et ça parce que le foin pousse tout juste à côté dans le même champs!
Joe Public ne voit trop souvent que l'"embarras dans l'chemin" que nous sommes, mais si nous sommes débordés de travail, c'est qu'au bout il y a quelqu'un qui a besoin de notre chargement.
Jeff
Bonne prise de conscience mais que c'est lourd tout ce commerce souvent injustifié, qui donc ou quel système pourrais le répartir adéquatement pour en diminuer les excès.
Entretemps lire La simplicité volontaire de Serge Mongeau (éditions Écosociété)aide à la prise de conscience et tente de démontrer les causes qui nous mènent à une surconsommation.
Bonne route, Giorgio
T'en fais pas Giorgio,
La simplicité volontaire reste gravé dans mon subconscient depuis que je l'ai lu il y a 6 ans.
En attendant, c'est à chacun de nous de faire sa part.
Bonjour Sandra,
Depuis ton passage à l'émission, on n'arrête pas de recevoir des courriels de camionneurs qui nous écoutent de partout; c'est fantastique!
Pour répondre à ta demande pour Laure Waridel sur les vêtements recyclés fabriqués chez nous, je te suggère un nouveau site internet, éthiquette.ca, dont nous avons reçu le fondateur à l'émission. C'est un portail de recherche pour tous les produits de consommation courante qui sont équitables. C'est bien fait et je suis sûre que tu y trouvereras ce que tu cherches! http://www.ethiquette.ca/index2.html
Bonne route et à bientôt!
Caroline
Merci Caroline pour le site
Dès que j'ai une minute à la fin du mois je m'y plonge
Bonne route à toi Jeff (j'aime bien l'expression Joe Public).
Et puis Giorgio, je pense que c'est là qu'entre le politique. Loin de moi l'idée de faire de la politicaillerie ici, mais il faut s'intéresser à ça, sinon, on se fait passer un sapin.
Salut à vous, hier un ami ma envoyé un lien de votre blog...
Je suis routier depuis 8 ans, je travail chez Trans West. Ca fait du bien de voir que des routiers ont les même considérations environnementale, sociales et un soucis de faire voir le métier comme étant agréable lorsque bien pratiqué.
Bravo pour ton blog c'est du beau travail. Le métier est plaisant parceque je le fais autrement et qu'il me permet malgré l'apparence de démesure d'être fait sainement en ayant biensur des valeurs et des convictions profondes permettant de faire beaucoup de chemin....!
bonne route....
p.s.
Passioné de photo je ferai bientôt soi un blog, soi un site web pour présenter mes photos prisent sur la route.
Je vous ferez signe...
Volgano.
très bon texte!
le site de équiterre est maintenant mort
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