Je respire enfin l’air de Montréal. Je suis avide de nouvelles. Je n’ai pas lu un journal depuis 12 jours, à part les unes des journaux américains dans les truck-stops. Chaque matin, quand je suis chez moi, j’ouvre la porte d’entrée pour sentir le pouls de la rue, pour voir si ma voiture est du bon côté, si le facteur est passé. J’avais remarqué la veille qu’un voisin de palier n’avait pas ramassé son journal sur le paillasson, il ne l’avait toujours pas fait ce matin et un autre était arrivé. J’ai présumé qu’il était parti, j’ai hésité, regardé à droite à gauche, pas l’ombre d’un chat, vérifié s’il n’y avait pas de témoin regardant par sa fenêtre en face. Je me préparais à commettre un crime. J’ai refermé la porte honteuse en mordillant mes lèvres, mais toujours avec la main sur la poignée. J’ai rouvert, les journaux étaient toujours là, me suppliant de les lire… Vite je me suis accroupie, en répétant mon processus de surveillance… Je me jette dessus comme la misère sur les pauvres et referme la porte en vitesse. Dans ma tête, je me suis imaginé me faire prendre en jaquette en train de voler le journal du voisin. À la une d’un quotidien, on aurait pu lire : Une femme en jaquette dérobe le journal de son voisin… Je me suis dit qu’il me pardonnerait étant donné que, la semaine d’avant, il avait lui-même menti quand j’avais sonné à sa porte à une heure du matin qu’il m’avait dit : — non, non, mon bain n’a pas débordé ! J’avais paniqué à l’idée que c’était un tuyau qui avait lâché, pour me rendre à l’évidence, que c’était bien lui, le coupable. Ça m’aidait à me déculpabiliser de ne pas avoir eu le courage de m’habiller pour aller m’acheter un journal. Et puis je le remets en vitesse tout de suite après… Ni vue, ni connue !
Les plafonds de 9 pieds de mon appartement me donnent une illusion d’espace. Ça fait du bien de voir haut. En camion, le plafond mesure 6 pieds. J’aime le rituel des matins de mes retours. J’ouvre les rideaux de la porte-fenêtre de la cuisine, je me fais un café au lait dans mon bol en terre cuite fabriqué par un artisan de la Gaspésie, je m’assoie sur dans mon fauteuil Bouboule me suit et s’assoie sur l’autre. Le café du retour est toujours meilleur après 2 semaines de disette au café de truck-stop américain. Sa saveur, sa chaleur, sa mousse crémeuse, sa couleur de vrai café au lait sont un doux réconfort.
Ah ! Que c’est bon de lire un quotidien français ! (mais stressant quand même quand il est emprunté à l’insu de son propriétaire …) Il y avait eu des élections partielles dans mon quartier pour le député provincial, et celui pour qui j’aurais voté l’avait remporté. Je ressentais encore de la culpabilité à ne pas être allée voter, mais j’étais quelque part entre le Texas et le Michigan. C’est à ces occasions que je suis pour le vote par internet. Après tout, si le net était assez sécuritaire pour que j’y fasse mes transactions bancaires il devait l’être aussi pour voter. J’aurais pu le faire dans le confort de mon camion en branchant mon portable au réseau sans fil dans un des milliers de " hot spot ".
Ça fait du bien de rentrer à la maison ! VIte je retourne le journal...
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