À 1 heure 30 du matin, je me réveille en sursaut comme dans un cauchemar. Richard se fraye un chemin dans les trous d’eau de la cour de garnotte du client. Je tente de refermer les yeux et de me rendormir, mais je sens Richard faire des manœuvres de reculon pour stationner la remorque. La suspension à air descend doucement en faisant « pchssssssss ! », il avance lentement pour décrocher la remorque, j’entends le déclic. J’ai le tournis avec les mouvements du tracteur. Bang ! Il accroche une autre remorque. Le moteur s’arrête. Dehors, Richard bougonne comme un charretier avec des soupirs de découragement. Je me lève pour voir si je peux l’aider. Je constate les difficultés : il fait un noir d’encre, il a les deux pieds dans la boue jusqu’aux chevilles, il est penché en deux sous la remorque parce que son corps ne passe pas entre les deux remorques et il n’a pas de place pour tourner la manivelle qui monte les béquilles. Les nerfs sont à fleur de peau au bout d’une semaine. Avec la fatigue, le découragement est facile et la faculté de trouver une solution rapide aux problèmes diminue . C'est là que j'interviens, comme il l'a fait des centaines de fois pour moi. Je m'installe au volant et j'embraye en première vitesse. Le tracteur tire la remorque avec les béquilles qui glissent dans la boue. La manivelle est enfin dégagée et Richard peut enfin monter les béquilles. La tesion redescend et je peux enfin me rendormir.
Au matin: petit réveil douillet dans une ambiance feutrée par les grands pins sur le bord de la route. Encore une fois, Richard est allé au bout de son rouleau. Cette fois, au bout du rouleau, il n’y avait pas de stationnement pour un camion… Il nous a garé dans une sortie d’autoroute avec vue sur la pancarte « no parking ». Par chance, ce n’est pas la police qui m’a réveillé !
Ma route est courte ce matin, plus qu’une heure avant le nouveau chargement.
Chez le client, nous attendons plus de cinq heures pour la cargaison de pneus. C’est plutôt rare et nous en profitons pour nous reposer. Je vais au restaurant du coin pour prendre un café et lire un journal pendant que Richard dort. L’odeur de crêpe sucrée embaume le casse-croûte. La serveuse a aussi noté que ça sentait le sucre parce qu’elle m’appelle « sugar ». Le café est passable, mais ça fait du bien de changer d’habitacle. Il y a des habitués qui appellent les serveuses par leur nom. Je suis l’intruse et je me fais discrète pour mieux observer les lieux. Je sirote pendant une heure, c’est bon, de prendre son temps. Il m’en reste assez pour faire une longue marche dans le petit bois derrière la compagnie de pneu.
Mes pieds foulent un sol de cassonade jaune curcuma. J’en prends une poignée pour l’observer de plus près : il est formé de cristaux blancs comme du sucre et à mesure qu’il coule entre mes doigts, la couleur jaune tache ma main. Le vent a balayé le sable léger comme de la poussière et a dévoilé des fragments de granite. Voilà pourquoi la ville se nomme Granitville. Des milliers de roches sont ainsi exposées se faisant briller au soleil.

Le sable sert d’écrin de velours jaune aux pépites


C’est probablement la dernière fois que je vous écris en route cette année. Demain, je serais chez moi pour les vacances de Noël jusqu’au 5 janvier.


1 commentaire:
Je l'ai vu votre maudit chat.
Y pas de quoi se pâmer pour une bête aussi hypocrite.
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